Astérix et Obélix, Le Combat des chefs : que vaut la minisérie Netflix signée Alain Chabat ?

Vingt-deux ans après le culte Mission Cléopâtre, Alain Chabat retourne en Armorique. Cette fois, c’est en animation et sur Netflix qu’il adapte Le Combat des chefs, album de Goscinny et Uderzo paru en 1966. Le pari est double : rendre hommage au matériau d’origine tout en y insufflant un souffle contemporain, propre à séduire une nouvelle génération. Le résultat, salué avec ferveur par certains, vivement critiqué par d’autres, divise profondément. Entre virtuosité graphique, humour calibré et erreurs de ton, la minisérie de Chabat se révèle captivante mais un peu bancale.

Le Combat des chefs version Chabat est une œuvre généreuse, rythmée, inventive, qui mêle respect de l’ADN originel et relecture contemporaine. L’univers graphique, porté par le studio TAT (Les As de la jungle), est salué somptueux : dessin fluide, couleurs vives, détails foisonnants. J’ai eu la sensation de lire Astérix pour la première fois mais avec les images qui bougent dans ma tête.

La mise en scène, vive et ludique, joue habilement avec les codes du cartoon et du blockbuster. L’humour est au rendez-vous, autant pour les enfants que pour les adultes, grâce à un savant mélange de références classiques (les baffes aux Romains) et de clins d’œil modernes (de Captain America à la mosaïque de César, en passant par des parodies musicales décalées). Loin d’une simple illustration, la série parvient à actualiser l’esprit irrévérencieux de Goscinny avec la patte Chabat : absurde, satirique, accessible.

Là où ça pêche, c’est le doublage. Thierry Lhermitte en Panoramix présente une énervante voix monocorde ; Chabat lui-même, dans le rôle d’Astérix, ne convainc pas toujours. L’ensemble du casting vocal est mal dirigé, parfois désincarné, voire donne l’impression d’une lecture de texte plus que d’une interprétation. Ce problème est d’autant plus sensible que la tradition vocale d’Astérix (de Roger Carel à Pierre Tornade) a laissé une empreinte forte dans la mémoire collective. Pour autant, Florence Foresti en Bonemine s’avère parfoois hilarante, tandis que Jonathan Cohen (Astérix) et Vincent Lacoste (Obélix) trouvent grosso modo le ton juste ton entre dérision et tendresse.

Le rythme et le format est également mal équilibré. Si les épisodes courts et dynamiques ravissent, la narration est parfois trop étirée, l’action parfois mollassonne et les dialogues poussifs. Mais la musique de Mathieu Chedid, discrète mais inventive, fait le liant. Donc, le montage, nerveux mais lisible, permet une lecture fluide même pour les plus jeunes, sans sacrifier la profondeur pour les adultes. Cela étant, le final sombre et spectaculaire, à la manière des blockbusters américains, pourra franchement désorienter…

La plus grande qualité — et faiblesse — de cette minisérie est sans doute sa liberté créative. Chabat ne se contente pas d’illustrer un album : il propose une adaptation hybride, mêlant plusieurs BD, injectant ses obsessions, son humour, ses références culturelles et un discours sur la mémoire, la perte et la filiation. Le Combat des chefs n’est pas un simple divertissement familial. C’est une œuvre de réalisateur, profondément marquée par l’univers de Chabat, qui tente de concilier héritage populaire et relecture contemporaine. Techniquement aboutie, parfois brillante dans sa mise en scène, elle est aussi victime de son ambition : le casting vocal faiblit, le ton hésite, et le rythme n’emporte pas toujours l’adhésion.

Ceux qui aiment Chabat, ceux qui acceptent les voix nouvelles et les ruptures de ton, y verront un bel hommage, drôle, sensible et inventif. Les autres, nostalgiques des voix d’antan ou exigeants sur la fidélité littérale à l’œuvre d’Uderzo et Goscinny, préféreront sans doute se replonger dans les albums ou les films d’Astier.

Plus subtilement, la série joue aussi sur les enjeux d’identité et de mémoire qui lie l’amnésie de Panoramix à une réflexion sur la transmission culturelle. Que reste-t-il d’un village gaulois sans sa potion, son druide, ses récits ? Une manière détournée, mais puissante, d’interroger le rôle des traditions et des récits fondateurs dans une époque saturée de flux et de remises en question.

A mon avis, malgré quelques faiblesses, Chabat signe, avec Le Combat des chefs, une réussite dans un art populaire ambitieux, enraciné dans le patrimoine, capable de parler au présent sans trahir son passé. En refusant les effets faciles et en pariant sur l’intelligence du spectateur, la minisérie constitue divertissement drôle qui prouve que les irréductibles Gaulois ont encore bien des choses à dire à notre époque.

Astérix & Obélix : Le Combat des Chefs | Bande-annonce officielle VF | Netflix France