Avec Chance, Space and Time Ashley Chen a illuminé le festival Agitato au Triangle le vendredi 9 juin. Brillamment entouré de Philip Connaughton et Cheryl Therrien, Ashley Chen reprend les règles du jeu de Merce Cunningham et John Cage pour créer une pièce enivrante d’énergie.

Après Whack et Habits/Habits, Chance, Space and Time est la troisième création d’Ashley Chen. La compagnie que ce dernier a fondée est jeune, mais ses piliers sont particulièrement solides. Ashley Chen a été interprète de la Compagnie Merce Cunningham pendant quatre ans, il a intégré le Ballet de l’Opéra de Lyon (avec lequel il dansa notamment Set and reset de Trisha Brown), a dansé pour Philippe Découflé et Boris Charmatz. Philip Connaughton vient de la Rambert School of Ballet and Contemporary Dance in London, il est danseur et chorégraphe. Cheryl Therrien a dansé dans la compagnie de Merce Cunningham pendant dix ans, pour Boris Charmatz et enseigne au Conservatoire National de Danse et de Musique de Paris.

ASHLEY CHEN

Les pièces que crée Ashley Chen sont extrêmement physiques. Déjà dans la chorégraphie précédente, Habits/Habits, il était question d’accumulations de tâches et d’épuisement. Pour Chance, Space and Time, Ashley Chen ajoute une strate supplémentaire : il suit les processus de création de Merce Cunningham et John Cage. La danse et la musique sont créées séparément, le chorégraphe ne donne aucune autre consigne que la durée, il en va ainsi de la composition lumineuse, les danseurs sont envisagés uniquement en tant que solistes – il n’est pas question de chœur- le hasard tient une place non négligeable dans l’écriture de la pièce.

ASHLEY CHEN

Si ces codes sont repris par Ashley Chen, les gestes sont la création des danseurs. Le besoin d’explorer d’autres gestes, de trouver une autre façon de bouger avait déterminé Ashley Chen, lorsqu’il était à New York et dansait pour Merce Cunningham, à fonder sa compagnie Kashyl. Reprendre la grammaire et créer son vocabulaire. Neuf phrases chorégraphiques ont été écrites par les trois danseurs pour Chance, Space and Time, elles sont dansées trois fois dans un ordre déterminé par un jeu de dés. Le hasard régit l’écriture, c’est l’art de l’interprétation des danseurs qui équilibre les dynamiques de la pièce. Celle-ci commence dans le noir total. Elle débute avec la lumière, puis la musique prend place, et c’est seulement quand le spectateur les a intégrées comme on intègre un être, c’est seulement alors que les danseurs investissent à leur tour le plateau. Ils font vivre un sol qui tremble, qui semble se dérober, courent, se croisent, se rencontrent.

Les physiques très disparates des danseurs invitent à la multitude des perceptions. Les mouvements très fluides et aériens de Cheryl Therrien, la danse espiègle de Philip Connaughton et celle d’Ashley Chen, souple et en même temps très terrienne, tout contribue à multiplier les sources d’informations pour le spectateur. Son œil entre dans une danse soutenue et brouillée par les repères musicaux et lumineux qui se dérobent au rationnel sans cesse. La même phrase dansée est jouée sur les riffs acérés de la guitare électrique du début de la pièce qui cède la place à un synthétiseur ludique. Les gestes sont identifiés, bien que jamais identiques.

ASHLEY CHEN

L’extrême fatigue grandit à mesure que se déroule le temps qui trahit l’épuisement de plus en plus palpable des trois danseurs. Tout est mis en œuvre pour que le spectateur reste sur le qui-vive, que sa mémoire s’active, rassurée par les mouvements qui reviennent et qu’ainsi il reconnaît et par l’empathie croissante générée par la proximité physique des danseurs qui ne sont qu’à quelques pas du public, danseurs dont le souffle est de plus en plus présent. Le spectateur reste libre jusqu’à la fin de la chorégraphie. Face à la déstabilisation que provoque sur l’esprit l’aléatoire de l’écriture et la démultiplication des impressions auxquelles il est soumis, il est libre de s’attacher à l’ardeur des danseurs à résister à l’épuisement, libre de s’attacher à cette humanité ou pas.

Chance, Space and Time d’Ashley Chen, compagnie Kashyl, a été representée le vendredi 9 juin 2017 au Triangle, Rennes, dans le cadre du festival Agitato

Chance, Space and Time : chorégraphie : Ashley Chen / interprétation : Ashley Chen, Philip Connaughton, Cheryl Therrien / direction musicale : Pierre Le Bourgeois / création lumière : Eric Wurtz /création costume : Catherine Garnier

Crédit photos : Franck Belloeil

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