Rencontre avec Emmanuelle Ossieux, photographe du pays de Landivisiau qui, pour alerter sur les dangers encourus par les commerces « non-essentiels », a entrepris de poursuivre le défi « Quitte à être mis.e à poil par la Covid, je préfère le faire moi-même ! ». Mise à nu.

click collect covid

Bouquinistes, tatoueurs, coiffeurs, restaurateurs… Ils sont des dizaines de milliers en France à tenir laborieusement le coup de cette annus horribilis qu’est 2020. Autant de petits commerces, de petites entreprises, d’artisans, d’indépendants et autres professions libérales meurtris depuis des mois et pour qui l’annonce du nouveau confinement sonna comme le coup de grâce. Certes, la crise sanitaire est des plus préoccupantes, le nombre de cas peine à diminuer et des vies sont toujours en danger. Mais la fermeture des commerces décrétés comme « non-essentiels » par le gouvernement pourrait se révéler tout aussi fatale pour nombre d’artisans, de libéraux et d’entrepreneurs qui, pour beaucoup, envisagent de devoir mettre la clé sous la porte.

emmanuelle ossieux

Eu égard à la gravité d’une situation économique qui pourrait avoir des conséquences personnelles et collectives dramatiques, à court comme à long terme, des photographes ont décidé de poser leur objectif devant des artisans et commerçants français. Plus qu’un simple portrait, il s’agit de mettre un visage, un corps sur ces oubliés, ces hommes et ces femmes que le gouvernement a choisi de sacrifier sur l’autel de la lutte anti-Covid. En bref, mettre à nu pour réhumaniser ceux dont l’activité est considérée comme « non-essentielle » et rappeler que derrière la vitrine fermée du salon de coiffure d’en bas, il y a des gens qui suffoquent.

L’initiative fut lancée par le studio Arnography, accompagnée d’un slogan : « Quitte à être mis.e à poil par la Covid, je préfère le faire moi-même ! ». Une phrase susceptible de faire sourire, mais qui résonne comme un cri d’alarme : de nombreux artisans, commerçants, libéraux et (auto-)entrepreneurs vivent ce second confinement avec un couteau sous la gorge !

commerces non-essentiels

La démarche s’est diffusée comme une traînée de poudre dans l’Hexagone, y compris en Bretagne, où des photographes, comme Emmanuelle Ossieux, participent activement à ce mouvement de défense des commerçants. Originaire de Landivisiau dans le Finistère, cette ancienne secrétaire comptable a décidé de vivre de sa passion et de se mettre à son compte afin d’allouer plus de temps à ses enfants. Spécialisée dans la maternité, la grossesse et les thèmes relatifs à la famille et la petite enfance, elle pose aujourd’hui la focale sur les artisans de sa région.

Nos commerces sont considérés comme non-essentiels, mais pour nous c’est vital !

En tant qu’indépendante et mère de famille, Emmanuelle Ossieux est directement touchée par les nouvelles mesures gouvernementales et souhaite mettre en avant la détresse vécue par nombre d’auto-entrepreneurs. Au-delà de l’insuffisance des aides mises en place, c’est la mauvaise gestion de la crise dans son ensemble qu’elle entend pointer du doigt : « L’État compte injecter 15 milliards d’euros par mois de confinement dans l’économie pour nous aider, mais avant qu’on en arrive là où étaient ces 15 milliards quand les services de santé en avaient besoin ? »

Artisans à nu

Certes, il y a le fondS de solidarité qui a été déplafonné, mais dans les petites lignes, on découvre que beaucoup n’auront pas plus de 1500€, ce qui est insuffisant pour payer des charges et nourrir une famille.

Les premiers jours du confinement, elle recevait les professionnels désireux de se mettre à nu directement dans son studio. Mais elle a dû rapidement se résoudre à arrêter compte tenu des sanctions juridiques qu’elle encourait. La photographe eut alors l’idée d’élargir le défi en le dématérialisant. Elle invite depuis les gens à prendre des photos d’eux-mêmes, nus et installés dans leur environnement de travail et se charge ensuite des retouches et du texte. Même sans être capturés par une professionnelle, les clichés sont très touchants. Le fait qu’il s’agisse de photos amateur ne fait qu’accentuer l’humanité des sujets. Malgré une tonalité souvent assez grave, la dignité avec laquelle ces personnes se dévoile est saisissante.

emmanuelle ossieux

Si elle peut être considérée comme un des fers de lance du mouvement en Bretagne, Emmanuelle insiste sur le fait qu’il s’agit d’une initiative à l’échelle nationale. D’autres photographes bretonnes, parmi lesquelles Véronique Rochelle, Delphine Herrou, Morgan Blanchet, ainsi que Charlotte Poudroux sont investies dans cette démarche dont l’aboutissement sera une fresque numérique géante. Reste à savoir si cette mosaïque composée des corps et visages meurtris du commerce et de l’artisanat français parviendra à faire suffisamment pression sur le gouvernement pour que la notion de « commerce non-essentiel » soit reconsidérée.

emmanuelle ossieux

Si vous êtes vous-mêmes indépendants et souhaitez vous mettre à nu, vous pouvez contacter Emmanuelle Ossieux sur son site officiel ainsi que sa page Facebook, ainsi que Delphine Herrou, Morgane Blanchet, Véronique Rochelle et Charlotte Poudroux.

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