Unidivers a demandé à l’artiste plasticienne Armelle Caron de commenter une oeuvre qui l’a marquée.

Il y a quelques années, j’ai vu à Nantes une exposition qui s’ouvrait sur une œuvre de Michel Blazy qui m’a fait bien rigoler. 
C’est une sculpture de mousse de produit vaisselle.
 On voit 3 gros tubes transparents d’une vingtaine de cm de diamètre. Ils sont au tiers remplis d’une eau qu’on devine savonneuse. Au fond de chacun se trouve un petit moteur qui agite l’eau. Peut-être un bulleur d’aquarium ou un machin de ce type. Il en résulte que l’eau mousse, mousse, mousse !
 Le tube se remplit de cette mousse blanche, assez dense. Le système en produit tellement que celle-ci déborde des tubes. Comme elle est bien compacte, elle s’élève dans les airs en gardant la forme du tube. Au bout d’un moment seulement elle se courbe et finit par tomber en un long serpent qui descend jusqu’au sol. C’est seulement au contact du sol que la mousse se désagrège en une sorte de flaque assez moche. J’ai regardé cette œuvre de Michel Blazy pendant un long moment, je la trouvais captivante et drôle. Et puis elle me faisait m’interroger sur la sculpture. Je me demandais alors où était la sculpture dans ce travail : dans l’installation en entier ? Ou seulement dans la mousse qui avait la forme du tube ? Si faire une sculpture c’est donner une forme à une matière alors c’était seulement au-dessus des tubes que ça se jouait. Cette sculpture était toujours différente, car la mousse bougeait sans cesse, parfois le serpent se cassait et il fallait que le système reproduise à nouveau assez de mousse pour redescendre parfois jusqu’au sol. Ça nous changeait des sculptures en bronze ou en marbre. Par ailleurs, si une œuvre, c’est l’ensemble des éléments visibles, alors la sculpture était l’installation dans sa globalité, mais j’aimais bien l’idée que ça ne soit que la partie visible de l’iceberg. Ça me plaisait de pouvoir choisir une partie de l’installation seulement et de me dire que l’oeuvre était là. Comme si je faisais mon marché.
Par ailleurs, je trouvais amusant de penser que la mousse gardait en mémoire la forme du tube. La mémoire de la mousse, je me demande encore aujourd’hui ce qu’elle a comme autres souvenirs.

Armelle Caron

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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