Robert, le prénom d’origine germanique, est porté par de nombreuses familles d’amoureux des arts et des lettres. Associé à Philippe, il devient celui de deux architectes, dont un au parcours prestigieux, notamment au sein du cabinet Reichen & Robert. Philippe Robert parcourt maintenant le monde avec Architrek pour partager ses connaissances sur l’architecture et le paysage. En marchant. Savourons la rencontre.

 

architrekUnidivers : Votre famille est originaire de La Chaux-de-Fonds en Suisse, ville connue comme lieu de naissance de Le Corbusier. Blaise Cendrars et Laurent Bourgnon y sont nés aussi. Y a-t-il là-bas un tropisme de l’architecture et du bourlinguage ?

Philippe Robert : Ma famille n’avait rien à voir avec l’architecture, mais j’ai toujours été fasciné par ce pays, non seulement pour ses montagnes, mais aussi pour la qualité de ses écoles d’architecture et sa façon d’appliquer cet art. J’aime particulièrement randonner du côté de La Chaux-de-Fonds, région qui offre une superbe perspective sur le lac Léman et les Alpes en arrière-plan.

U. : Avez-vous étudié l’architecture à Lausanne ?

Philippe Robert : Non. J’ai quitté Marseille – où je suis né en 1941 – à 18 ans pour une formation à l’École Spéciale d’Architecture et au cours Jean Prouvé à Paris. J’ai encore élargi mon horizon en partant travailler en 1962, en agence à San Francisco, puis en coopération en Afrique. De retour en France, j’ai eu l’opportunité de collaborer avec André Bruyère puis avec Piano et Rogers pour l’étude du Centre Pompidou.

U. : En 1973, vous créez l’agence Reichen et Robert avec Bernard Reichen. Vous acquérez vite une réputation avec la reconversion de la filature Leblan à Lille.

architrekPhilippe Robert : Elle était fondée sur mon expérience de transformation d’usines initiée aux États-Unis. San Francisco, Baltimore, New York s’intéressaient à leur patrimoine industriel désaffecté pour en faire des logements, les premiers lofts.

U. : Cette compétence vous a amené à transformer la Halle aux grains de Blois, la Halle Tony Garnier à Lyon, les docks Vauban au Havre, le Pavillon de l’Arsenal à Paris, les Grands Moulins de Pantin et la chocolaterie Menier à Noisiel. De belles commandes !

Philippe Robert : C’est souvent une question de chance, celle de tomber sur des promoteurs ou des maîtres d’ouvrage conscients de l’importance de conserver ces lieux liés à l’histoire et l’économie locales.

U. : Pendant trente-cinq ans d’agence, vous enseignez, écrivez des livres et montez des expositions (Paris – New York). Vous ouvrez même une filiale à Sydney !

architrekPhilippe Robert : La conséquence d’un séminaire d’été (une habitude de formation permanente chère aux Anglo-Saxons et trop peu répandue en France !). Parmi mes élèves australiens, un jeune architecte avait un projet de réhabilitation d’entrepôts. Mon idée de conserver quatre wharfs sur cinq et de laisser la possibilité d’un bâtiment contemporain sur l’emplacement libéré a séduit le commanditaire.

U. : En 2009, vous décidez « d’écrire un nouveau chapitre de votre vie » et créez Architrek. De quoi s’agit-il ?

Philippe Robert: Il s’agit d’organiser des marches à thème et d’accompagner bénévolement de petits groupes de personnes qui s’intéressent à l’architecture et au paysage, en Europe du Nord et en Extrême-Orient. J’en organise six ou sept par an, avec 12 personnes maximum.

architrekU. : En cinq ans, environ 150 personnes ont participé à ces randonnées. C’est peu ! Architrek est-elle faite pour les happy few ?

Philippe Robert : Few, certes. Happy, ce n’est pas automatique (rires) ! Le principe d’Architrek, c’est la souplesse, la liberté… un peu trop pour des gens qui aiment être drivés intensément. Quand nous sommes douze, je propose de faire trois groupes, de marcher séparément et de nous retrouver au restaurant, dans un café ou à la gare pour échanger sur nos découvertes, forcément sensibles et très personnelles. Imaginez des déambulations de ce type à Ljubljana ou à Trieste, c’est magique !

 

architrekU. : Pour partager ces treks à un plus grand nombre, vous publiez Architrek, marcher pour savourer l’espace, ouvrage riche d’impressions, de descriptions, de vos dessins et de photos. C’est une sorte de carnet de voyage ?

Philippe Robert : Oui, un voyage pour apprendre à percevoir l’espace, le sentir et l’écouter. Quitte à se perdre.

U. : Se perdre par les rues de Bath (GB) ou de Matera (Italie), c’est voyager dans le passé !

Philippe Robert : Oui, mais ce n’est pas obsessionnel. Ce que je recherche, ce sont les espaces de qualité : ça peut aussi bien être le cas du parc de sculptures Louisiana à Copenhague ou de l’île de Naoshima au Japon.

U. : Une île qui ne se visite qu’à pied, comme Venise. Vous aimez les endroits entourés d’eau…

Philippe Robert : Oui, cela crée une rupture avec ce monde où l’on court tout le temps. Il faut savoir observer autour de soi, noter ce que l’on voit, quitte à se forcer à écrire ce qui n’a pas d’intérêt, un peu comme Georges Pérec dans Espèces d’espaces.

Architrek, ce sont des voyages pour un nouveau regard sur l’architecture, les villes et les paysages proposés par Philippe Robert

Pour en savoir plus ou tenter l’aventure Architrek c’est par ici

Architrek, marcher pour savourer l’espace dans la ville, l’architecture, le paysage, livre de Philippe Robert,
Dominique Carré éditeur, juin 2015, 128 pages, 22 €. 
Prix du Livre de l’Académie d’architecture 2016

**********************************

Philippe Robert : né en 1941 à Marseille il a étudié l’architecture à Paris (École Spéciale d’Architecture et cours Jean Prouvé). Après un travail en agence à San Francisco, stage avec Paolo Soleri, des voyages divers et une période de coopération en Afrique, de retour à Paris, il travaille avec André Bruyère puis avec Piano et Rogers pour l’étude du centre G. Pompidou.
En 1973 création de l’agence Reichen et Robert qu’il anime avec Bernard Reichen pendant 35 ans et qui atteint une centaine de personnes. Parallèlement, il enseigne (séminaires), écrit des livres et fait des expositions (Paris, New York)…

Réalisations personnelles

Transformation et extension d’un atelier d’artiste à Giverny (Eure), 1993
Transformation et extension d’une maison à Tosny (Eure) (en collaboration avec Mona Braathen-Robert). 2007
Réalisation puis extension d’une maison à Lourmarin (Vaucluse). 1972 puis 2009

Réalisations de Reichen et Robert dans lesquelles Philippe Robert a été plus particulièrement engagé

Ancienne filature Leblan à Lille
Grande Halle de La Villette à Paris
Ambassade de France au Qatar
Pavillon de l’Arsenal à Paris
Musée des Impressionnismes à Giverny
Siège social de Nestlé-France près de Paris
Site Portuaire de Walsh Bay à Sydney
Ile Seguin, près de Paris
Quartier Landy France à St Denis
Université de Jussieu à Paris
Pier 40 à New York
Cité du Cinéma à St Denis

Article précédentChâteaugiron. Aux 3 CHA PIERRE GAUCHER fait face à face et corps à corps
Article suivantLes FAB LABS en Bretagne, au cœur d’une 3e Révolution industrielle ?
Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici