«Rien n’est plus doux que ton visage, quand tu le poses sur mon corps je vois l’espace à travers les murs, la Voie lactée.»
«Lisa se tourne, je suis maintenant collé à son dos, je respire sa nuque, je tiens sa bite dans ma main gauche avec la puissante sensation d’être relié à l’essentiel.»
«Je serai peut-être un écrivain. Un écrivain écrit.»
Antoni Casas Ros, Le Théorème d’Almodóvar.

 

J’aurais dû commencer par lire le premier roman d’Antoni Casas Ros plutôt que le dernier. J’aurais dû lire, en premier, puis ne rien lire d’autre signé par cette plume insignifiante, Le Théorème d’Almodóvar où, dès l’incipit, est exposé sans le moindre panache mais dans une enfilade de phrases monocordes et livides le manque de talent de cet écrivant qui nous donne, une bonne fois pour toutes hélas suivie de trois autres fois (trois pour le moment, croisons les doigts pour qu’il n’y ait pas de quatrième, voire, horreur, de vingt-troisième, selon le vœu de Casas Ros, cf. p. 149 !), qui nous offre, dans une libéralité calculée qui me semble n’avoir qu’une fort lointaine parenté avec un bel humanisme, les ingrédients du potage insipide qu’il nous sert de livre en livre.
Quels sont-ils ? Mesdames les ménagères de plus de cinquante ans, mesdemoiselles les poétesses de deux sous et trois rimes plates (soit 90% du lectorat de cet auteur), prenez bonne note je vous prie, ce n’est pas tous les jours que vous est ainsi livrée la recette de la soupe au navet façon Casas Ros : versez, dans un tout petit récipient puisque notre chef aime assez la chose lilliputienne (c’est, au moins, une chance), quelques poils suspects de cervidé, mammifère aussi fortuit qu’imprévisible (cf. pp. 13-4, 18, etc.), perturbateur stochastique de circulation (oui, mais en 4L, cf. p. 16, ce qui change tout) et colocataire sentant fort surtout lorsqu’il urine sur la terrasse, ajoutez quelques gros croûtons, frottés d’ail à la mode catalane, de métaphores pseudo scientifiques (ici, les mathématiques, la série de Fibonacci, comme dans les Chroniques de la dernière révolution et Newton), versez une crème épaisse, de couleur trouble, de sexualité libérée de toute contrainte morphologique et culturelle (1) panachée d’un désir orgiastique (2) irrépressible, blafarde infinité de «corps désirants» (p. 31), intumescent grouillement de vits et de vulves en perpétuel mouvement, éjaculation de tous pour tous, de tous pour tout, de tout pour tous, de «nobles vieillards» pour «un fœtus qui oscillerait, encore androgyne» (p. 13), mélangez avec de molles endives de tentation terroriste (cf. p. 148), de belles grosses nouilles de plate contestation esthético-philosophique contre l’ordre, l’Ordre qui paralyse tout, les consciences et les corps, oui, surtout les corps si affreusement «contraint[s] par les limites de la peau» (p. 58, cf. encore p. 147), corps qu’il s’agit de réduire à de petites particules affectives (ou pas, c’est selon) animées par un extatique mouvement brownien, touillez énergiquement le tout en y versant quelques courges de dialogues (3), servez la soupe très froide (à la catalane, encore une fois) en y disposant un boudin transparent de métaphores creuses et de comparaisons idiotes (4), saupoudrez enfin de petits flocons d’intertextualité censée relever le goût de cette soupe si finement tamisée au filet de chalutier du truisme.
Si on leur présentait la délicieuse soupe façon Casas Ros, il est évident que les journalistes, ces si fins spécialistes de l’art littéraire, ces gourmets du bon vers et du haut verbe, crieraient au génie, ne serait-ce que par la présence, dans le texte, d’un Almodóvar dont Casas Ros résume admirablement, pour une fois, le talent : «Tu as vu Le Labyrinthe des passions ? Magnifique ! Tu te souviens quand Queti et Sexilia changent d’identité ? Oui, elle sort de l’inceste en mettant sa copine qui lui ressemble tellement avec son père qui de toute manière la confondait avec sa femme» (p. 76). Mais suis-je donc bête, puisque ces journalistes n’ont pas manqué de saluer, en France, patrie des lettres, l’éclatant talent de ce jeune prodige de cuistot sans visage alors que, en Espagne, cette sidérante nullité qu’est le premier texte de Casas Ros a reçu le prix du Meilleur Premier Roman, en l’an de grâce 2008.
Peut-être savez-vous que, dans bien des cas, c’est une soupe qui a fait la renommée d’un grand chef. Souvenons-nous de Paul Bocuse et de sa fameuse soupe dite VGE aux délicieuses truffes noires. Sa recette doit rester évidemment secrète et, surtout, le chef, une fois atteint le sommet de son art papillo-synesthésique, ne doit pour rien au monde s’amuser à varier, ne serait-ce que de quelques grammes, la composition érudite de son chef-d’œuvre gustatif. S’il faisait une telle folie, il tomberait de toute sa hauteur, il déchoirait de son rang, bref, il deviendrait une sorte de non-être, une espèce de sous-Casas Ros, ce qui doit être, je l’avoue, une entité aussi exotique et improbable qu’un chat souriant de Lewis Carroll.
Livrer les ingrédients d’une soupe énigmatique, pas franchement primordiale bien que grouillante elle aussi d’animalcules, signe la mort commerciale d’un grand chef. Casas Ros ne craint rien, car il ne me semble vraiment pas disposé à changer les ingrédients de sa soupe dont la variante la plus exquise, destinée à un public de connaisseurs latino-américains et japonais vers lesquels il comptait exporter sa recette parée des vertus les plus roboratives, consiste à placer une seule couille de taureau en béate et délicate flottaison au centre de l’assiette creuse remplie de l’affreux potage, «plat barbare entre tous, que le Catalan se fait un point d’honneur de déguster» (p. 19). Je crains que mon estomac de Basque ne soit trop délicat pour tenter une telle dégustation.
J’allais oublier ! Tout potage digne de ce nom ne saurait se passer d’un liant, cuiller de farine la plus fine ou superstitieux ingrédient de grand-mère. Le liant d’un roman, du moins d’un bon roman, se nomme l’écriture et il me semble que Casas Ros n’en a jamais entendu parler, lui qui adore pourtant cuisiner. Il est vrai que cet ingrédient est aussi rare, dit-on, qu’une feuille de salsepareille à huit lobes. Il est également vrai que, de cet apôtre qu’est Antoni Casas Ros de la non-fixité absolue (5) de toute chose dans un univers radicalement contingent, incertain (6), nul ne s’attendait à être ébloui par une maîtrise narrative, qui est, nous rappelle l’étymologie, la capacité de diriger un navire, de préférence en ligne droite. La chaloupe qui fait eau de toutes parts sur laquelle Casas Ros a embarqué ses personnages bavards et inconsistants qui ne sont pas contents parce que la soupe promise est froide et agrémentée d’algues tourne en rond, non point en accomplissant un de ces beaux et complexes mouvements que tout bon capitaine sait faire accomplir à son navire, le faisant quitter le môle où il est amarré, pointant la proue face au grand large après avoir fait pivoter son vaisseau sur lui-même, mais bien davantage en reproduisant les gestes comiques du gamin qui, sur une flache de parc, tire la langue en donnant la première impulsion à son bateau en plastique, fronce les sourcils lorsque le bourdonnement d’un éphémère le fait dévier de sa trajectoire, fait une moue contrariée et finit par se répandre en pleurs intarissable lorsqu’il constate que l’esquif chargé de son appétit d’aventure, pitoyable navire, montre le fond de ses cheminées aux têtards.
Un texte c’est, quoi qu’en dise notre thuriféraire du désordre, de l’ordre et les tentatives artistiques les plus échevelées, celles qui prétendent, avec la plus invariable monotonie, s’abreuver aux mamelles taries du désordre ou du hasard (que je ne confonds pas), ne peuvent toutefois bouter hors de leur pré conceptuel cette évidence : il leur faut de l’ordre pour écrire le désordre et évoquer le chaos, le désordre ne peut s’exprimer que dans une suite logique, du moins articulée, d’images, de sons ou de mots. Le désordre qui s’exprime, si je puis dire, dans son propre langage, n’a pas plus d’objectivation possible que le filet de bave de l’idiot prostré contre son mur.
On sent bien que Casas Ros, lui, n’a qu’une hâte et même qu’une unique obsession, non pas celles de bâcler son roman (chose qu’il est parvenu, sans beaucoup de peine, à accomplir) mais celles de rompre les digues une bonne fois pour toute, afin de se dissoudre dans le vide, afin de détruire, dans un geste moins anarchiste que, comble de l’ironie, fasciste, sa conscience, son ego dans la foule indifférenciée. L’anarchiste veut être seul, alors que le fasciste n’est jamais plus heureux que lorsque sa conscience est abolie au fin fond d’une foule abrutie qui lui donnera un cerveau, flasque, et un corps, surpuissant mais mécanique.
L’évocation du fascisme n’est point due, on s’en doute, au hasard. C’est Casas Ros qui écrit que la «misère même de notre pensée vient de l’espace contigu dans lequel notre cerveau fonctionne. Manque d’air, manque d’infini, absence de perspective maintenue par l’ego qui a la forme d’un rat. Il tire les ficelles. Il engendre la peur. Il nous garde de tout débordement (pp. 36-7). C’est ce même rat qui, selon notre auteur venant de découvrir le passé sordide de son père, jeune phalangiste ayant probablement torturé et tué des sympathisants communistes, est l’animal favori du fasciste : «Le rat est l’animal fétiche du fasciste, son frère des tréfonds, ils en ont tous un dans leur poche» (p. 37). Ces pages, durant lesquelles il évoque le passé de son père et le pardon que, finalement, sur son lit d’hôpital, le visage bandé, il lui accordera, auraient pu donner quelque consistance au roman de Casas Ros alors que nous avons, en guise d’introspection dostoïevskienne dans la conscience tourmentée d’un probable salaud, cette révélation bouleversante : «On peut marcher sur les mains [allusion à une scène du roman, dans laquelle, pour témoigner son amour à une jeune fille, le narrateur traverse une ville sur les mains]. Être amoureux de quelqu’un qui vous ignore. Aimer un fasciste» (p. 53).
Il est vrai que Casas Ros n’est pas un écrivain avare. Il nous prodigue sa nullité par gamelles débordantes de facilités et d’évidences. Voici notre amoureux transi décrivant le corps féminin : «Je ne pouvais avoir d’elle que l’image connue, parfaite, sensuelle et vibrante. Que le regard de sombre intelligence, que la grâce des membres, la beauté des seins, la taille, les hanches, la douceur du ventre, le galbe des fesses merveilleuses où j’aimais frotter mon visage pendant qu’elle riait […]» (p. 68), description où les métaphores sont tellement usées qu’elles nous montrent le tissu élimé jusqu’à la corde des catachrèses les plus échevelées. À l’instant de toucher la mort (durant le coma qui a suivi son accident), le narrateur croit pouvoir saisir une ultime joie, «comme une fusée qui traverse la stratosphère» (p. 69). Lorsque Casas Ros devient professeur sourcilleux d’esthétique, nous avons droit à cette sentence fulgurante : «On ne peut haïr ou mépriser ce qu’on regarde assez longtemps» (pp. 78-9) ou bien encore, et l’on croirait ces lignes extraites d’un article de Femme actuelle : «La dictature de la beauté des corps est totale et anorexique par excellence. Je ne veux pas dire que les filles exposées dans les magazines sont trop maigres (bien qu’elles le soient pathétiquement) mais qu’il y a dans cette dictature la folie de celui qui se laisse mourir de faim alors qu’un tiers de l’humanité meurt de faim et que les deux autres tiers meurent de l’absence de regard. Pourtant, une anorexique se regarde plus que n’importe qui. Toute notre culture est anorexique, toute notre civilisation. Nous avons l’œil fixe» (pp. 81-2). Nul ne m’en voudra de ne point gloser de si ridicules affirmations car, le temps nécessaire pour évoquer cette série de syllogismes ridicules, Antoni Casas Ros l’aura employé à nous assener une bonne cinquantaine de nouvelles fadaises, comme celle-ci : «il suffit de regarder assez longtemps pour transformer l’horreur en beauté» (p. 82), une phrase qui est employée, si ma mémoire est bonne, dans la bande-annonce de La Belle et la Bête, version Walt Disney bien sûr. J’allais oublier, et vous auriez été en droit de m’en vouloir, la conclusion de notre épopée dans les entrailles du truisme comme si, après notre difficile progression dans l’Enfer du cliché, notre pénible ascension du Purgatoire du lieu commun, nous débouchions, émerveillés, incapables de nous exprimer, dans le Paradis baignant dans la lumière salvifique de la roture immarcescible : «Toute œuvre d’art réveille en nous ce que l’être a de plus vivant, de plus subversif, de plus libre» (p. 89).
Le plus drôle, ou bien pathétique, c’est lorsque Antoni Casas Ros descend de son ânon dressé à accomplir, en une seule journée, huit cent tours de manège, pour enfourcher l’indomptable destrier du penseur. Et que pense Antoni Casas Ros ? Tout et son contraire bien sûr, comme le prouve ce passage consacré au chaos, un sujet qui, nous l’avons vu, revient dans les livres de l’auteur comme une ritournelle aigrelette : «Moi je revendique le chaos comme seul territoire qui vaille la peine d’être traversé, et quand toute une civilisation se tourne vers le «spirituel» c’est le début de la fin et la fin c’est le commencement. Il y a dans le chaos une sorte d’élégance aléatoire que tous les néo-classiques ignorent. La manifestation la plus aiguë du chaos se manifeste dans la recherche de l’ordre, de la perfection, de l’harmonie. C’est également l’une des conséquences du théorème d’Almodóvar : Harmonie = Chaos» (p. 83). Je vous assure que je n’ai pas touché à un atome de cette citation magnifiquement représentative de la profonde confusion intellectuelle de notre écrivant (les prudents me rétorqueront : de son narrateur) et, surtout, de l’absence pour le moins manifeste de toute capacité, fût-elle de prestidigitation, à envelopper une pensée creuse sous les atours de phrases ronflantes. Rien de tel et, pour le dire en imitant le style de Casas Ros : Indigence intellectuelle = Indigence stylistique.
Ailleurs, nous passons du coq à l’âne, c’est-à-dire du sexe à l’écriture ou bien l’inverse, cela n’a d’ailleurs aucune espèce d’importance : «La seule chose qui m’apporte un frémissement continu est l’écriture. Le sexe est puissant, il apporte l’invasion, l’oubli, les sensations extrêmes, le silence enfin retrouvé» (p. 133). J’ai lu et vu, dans les excellents films érotiques de José Benazeraf, des considérations sur le sexe autrement fines, justes et spirituelles que celles que nous prodigue Casas Ros, cet écrivain impuissant bramant son impossibilité d’écrire.
Je m’en voudrais tout de même, tentant de vous donner une idée de ce brouet honteux, dans cet étalage de bêtises et de vulgarités (7), dans cette fastidieuse exposition de l’art de Casas Ros qui certes n’écrit pas comme «un guerrier pourfend le ciel en sachant qu’il coupe des mots, sectionne des liens douteux, remet en évidence la nudité extrême de l’être» (pp. 90-1), de ne point saluer un éclair de lucidité : «Mon ventre écrit, mes pieds écrivent, la totalité sensorielle de mon corps écrit et l’esprit n’est là que comme une sorte de relais, de traducteur, qui exprime le vrombissement étrange d’un corps» (p. 85). Nous comprenons mieux, désormais, d’où provenait cette sensation, fort pénible, d’avoir affaire à la prose d’une pythie enfermée en chambre d’isolement : c’est que l’esprit de Casas Ros n’est là que pour traduire ce que lui disent son ventre, ses pieds et, avançons cette hypothèse herméneutique point extravagante, quelques autres organes tout aussi essentiels à l’art littéraire. Après tout, le narrateur lui-même n’éprouve-t-il pas quelque difficulté à séparer sa part humaine de sa part animale ? : «C’est la rage qui nous étouffe, qui m’étouffe, la rage de ne pas être libre de gambader dans les forêts, de s’accoupler en bramant, de mépriser les lois et les règles édictées par ceux qui veulent transformer l’humanité en un gigantesque zoo» (p. 94). Après tout encore, n’apprenons-nous pas, stupéfaits, que les «animaux font l’amour avec infiniment plus de douceur et de subtilité que les êtres humains» et que c’est «un cliché de dire que les humains se comportent comme des bêtes» (p. 124) ? Le roman de Casas Ros, lui, est bien prêt de ressembler à une ménagerie, lorsque le cerf (on le suppose celui-là même qui a provoqué l’accident) s’installe, comme un vieil ami silencieux, dans l’appartement que le narrateur occupe avec sa compagne, enfin, son compagnon puisqu’il s’agit d’un transsexuel, une «femme qui a une bite», comme nous le précise délicatement l’auteur (p. 62).
Je suis probablement injuste avec Antoni Casas Ros car les exemples sont, avouons-le, assez peu nombreux en fin de compte d’une aussi parfaite convergence entre les intérêts esthétiques d’une platitude nanométrique de l’auteur et le résultat ridicule que nous lisons en ce moment même, son propre livre indigne et non pas surfait mais, pourrait-on dire, sous-fait : Antoni Casas Ros, qui n’est qu’une baudruche commerciale, un pseudonyme privé de la moindre once de talent s’inventant une vie non pas pseudonymique mais vide, a réussi à nous faire lire un livre-baudruche qu’on dirait privé du plus faible souffle d’écriture, fût-elle ridicule comme celle des productions de l’école sollersienne au tableau rose de laquelle sont exposés les devoirs raturés, pas même passables, d’un Badré, d’un Meyronnis ou d’un Haenel qui, rendons-leur ce maigre honneur, ont le courage élémentaire de signer leurs rinçures de leur patronyme.
Je suis tellement injuste avec Antoni Casas Ros que j’ai failli oublier de mentionner la seule vérité, absolument irrécusable, que contiennent ces pages navrantes, indignes, tout simplement indignes d’avoir été publiées et, surtout, vantées : «Toute ma substance se trouve dans ce livre» (p. 136), et cette substance, Antoni Casas Ros, n’a aucun poids, et ce livre, comme les deux autres que j’ai lus de vous, est sans conséquences au sens que Jean-Philippe Domecq donnait à cette expression. Et, à la fin, disons-le bien clairement : les ouvrages d’Antoni Casas Ros sont, ni plus ni moins, une imposture littéraire, un ectoplasme bavard d’écriture approximative, un coup de marketing et de publicité (8), relayé et amplifié, comme il se doit, par des journalistes aux langues saponifiées.

Notes
(1) Le Théorème d’Almodóvar [2008] (Gallimard, coll. Folio, 2009), p. 23 : «Quel jeu de tromper les chromosomes et de s’inventer un sexe au point d’attirer les hommes !» Les pages entre parenthèses, sans autre mention, renvoient toutes à cette édition. Les citations mises en exergue proviennent respectivement des pages 105, 128 et 153.
(2) Antoni Casas Ros, qui dit tout, dit aussi le contraire de tout, c’est-à-dire rien et évoque ainsi, quelques lignes seulement après l’ouverture de son roman, non plus un désir illimité et universel, comme il y était claironné, mais son absence drastique : «Une suspension des sentiments et des désirs, les sexes jouiraient d’être toujours entourés d’étendue», p. 14. Ailleurs, de nouveau, nous sommes conviés à sauter dans la bassine du désir infantilement exposé : «Ce serait l’aire d’une jouissance sidérale à laquelle tout pourrait participer» (p. 22).
(3) Op. cit., p. 28 :
« — Avec toutes les larmes du monde, il ne devrait y avoir que des îles, les neuf dixièmes de la planète devraient être submergés !
— Nous sommes sur des îles, toi et moi on le sait. Si personne n’arrête le déluge, on sera noyés.
— On devrait construire un bateau.
— À quoi bon s’il n’y a plus de port ?»
(4) «Il y avait une telle syntonie [un mot que Casas Ros adore, qui l’emploie plusieurs fois] entre ma mère et moi que les différences n’étaient que les franges d’un noyau passionné» (p. 53)
(5) «Rien n’est fixe, tout est en mouvement dans l’Univers, les formes sont des passages transitoires», p. 26. Page 27, cet autre évangile : «C’est cette fixité que chacun pense avoir qui tisse lentement l’illusion générale. C’est ce qui consume le monde. C’est la violence première. Chacun prend soin de sa fixité et entretient celle des autres.»
(6) «C’est sans doute la vie la plus harmonieuse, la vie à laquelle j’aspire. une vie si belle que le rêve n’a même pas besoin d’affleurer. Une vie dépourvue de tension. Une vie qui est une mélodie offerte au principe d’incertitude» (p. 37).
(7) Comme la scène où la mère du narrateur, qui vient d’être hospitalisé après son accident de voiture, promène son opulente poitrine sur le visage de son fils, afin de le réveiller (cf. pp. 121-2). Voici comment est décrite une sodomie : «Le sentiment d’invasion heureuse, par le fait que Lisa me tienne à la pointe de sa bite comme un corsaire tient sa victime empalée sur son sabre et le regarde mourir» (pp. 98-9).
(8) Explicitement évoqué par l’auteur, qui ne s’est pas trompé sur ce point, dans des propos qui contredisent, une fois de plus, les déclarations précédentes où Casas Ros affirmait ne pas s’intéresser à lui-même : «Toi, tu vas interviewer le masque, toi tu vas le photographier. On le mettra en première page. les émissions de télévision se l’arrachent. En trois semaines, le masque est partout. On en oublie même son livre, on en oublie même son nom. Et lui, dans sa grande solitude, se voit adulé, courtisé. Libération publie une photo magnifique en noir et blanc. C’est le seul journal qui publie de vraies photos. Ils dépêchent la crème de la crème, le roi du portrait. Qui se souvient que j’ai écrit un livre ?» (p. 144).

Juan Asensio (voir l’article sur Stalker)

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