Trois cas survenus ce week-end, des traitements de l’information par les médias nationaux et locaux différents. L’anonymat des victimes et des présumés coupables n’est pas traité sur un pied d’égalité. Et souvent contre tout bon sens. Autrement dit, dans aucun objectif pédagogique ou réflexif.

 

Un incendie meurtrier dans l’Aisne où l’on montre le visage du père de famille survivant. Un médecin d’une émission de télé-réalité qui voit son nom jeté en pâture (sans que sa culpabilité soit prouvée) puis sa lettre de suicide diffusée. La mort tragique de Mauriciens dans une inondation d’un tunnel filmé, avec les cris des malheureux et diffusé sur YouTube, est reprise sur les chaines d’information télévisuelles.

Le droit à l’information ?

Souvenons-nous qu’il y a plus d’un an, le sujet était venu dans l’actualité avec Dominique Strauss-Kahn filmé à sa sortie du commissariat. Plus tard, le nom de la femme de chambre était publié par la presse française ; ce qui n’avait pas manqué de choquer l’Amérique. Il n’est pas rare maintenant de voir le visage des otages français dans les vidéos et photos diffusés par leurs ravisseurs. D’un côté, la presse invoque son droit à l’information alors que de l’autre il y a le droit à l’image, la vie privée et la présomption d’innocence.

En fait, que rajoute l’image à l’information ? À partir de quand est-il justifié et utile de montrer des images « dures » ? Quand est-il nécessaire de préciser le nom de la victime ? Dans le cas de DSK, il s’agissait de montrer que le présumé coupable n’avait pas de traitement privilégié. Dans le cas des otages, est-ce pour mobiliser les foules autour de ces malheureux ? Ce n’est certainement pas le cas d’un père de famille qui a perdu ses enfants et son épouse, quelles que soient les conclusions de l’enquête.

Que dit la loi ?

La loi protège, en France, sur la diffusion d’une image d’une personne sans l’accord de celle-ci. Ainsi pour diffuser des photos prises dans des lieux publics, le photographe doit, en théorie, avoir l’autorisation écrite des personnes présentes à l’exception de certains cas de figure. De nombreuses jurisprudences les traitent chacun en détail. Même une photo déjà publiée dans un magazine ne peut être reprise sans l’accord du sujet, en plus de celui du ou de la photographe. La notion de « dignité de la personne humaine » intervient également dans le droit à l’information. Cette dignité ne fait précisément pas l’objet de jurisprudences aussi nombreuses, notamment dans les cas où il s’agit de photos de cadavres dans des guerres éloignées.

Voyeurisme ?

Avec une image omniprésente, un quotidien filmé à travers des émissions de télé-réalité les plus diverses, le voyeurisme s’installe dans nos habitudes. Nous aimons observer ces personnages télévisuels dans confessions intimes ou Strip Tease, alors que le traitement réfléchi de la seconde émission n’a rien à voir avec celui de la première. Et désormais des quotidiens scénarisés dans Yolo, Holywood Girls, des émissions baptisées scripted-reality. Voire des scénarios qui dénoncent le voyeurisme et l’hégémonie de la technique d’une manière bien ambiguë comme les deux saisons de Black Mirror qui secouent le Royaume-Uni.

Là encore, c’est un savant dosage entre images percutantes et objectif de leur publication qui est en jeu. S’agit-il de dénoncer un fait inacceptable ou de créer un lien populaire pour défendre une victime, les limites sont alors extensibles. Mais c’est autre chose que de constater que de nombreux magazines orientent une grande partie de leur contenu sur l’« actu chaude », autrement dit ce qui peut être racoleur, sans aucune ambition de faire réfléchir le lecteur. Est-ce le cas quand un média exploite le suicide d’une personnalité de telle sorte que le lecteur sent monter en lui une irrésistible envie de connaître les raisons de son passage à l’acte ? Un otage et nous voulons connaître ses conditions de vie. Un incendie meurtrier survient dans une maison en même temps que dans un squat et l’information se focalise sur le père de famille et non sur des indigents exploités par des marchands de sommeil.

Si tout est montrable sur Internet, il va en devenir de même dans les chaines de télévision dans les années à venir en fonction des heures et des programmes. Il est bien difficile de légiférer sur les limites à poser. De fait, ce n’est pas tant des images dures, voire insoutenables, qui sont à interdire que leur juste insertion dans un dispositif qui a pour vocation à faire réfléchir et sensibiliser une catégorie de spectateurs.

 

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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