cinéma, film unidivers, critique, information, magazine, journal, spiritualitéDans Amour, Georges et Anne sont des octogénaires. Personnes cultivées, professeurs de musique à la retraite. Leur fille, également musicienne, vit à l’étranger avec sa famille. Un jour, Anne est victime d’une petite attaque cérébrale. Lorsqu’elle sort de l’hôpital et revient chez elle, elle est paralysée d’un côté. L’amour qui unit ce vieux couple va être mis à rude épreuve par la maladie. Comment affronter la fin de vie ? Comment vieillir ? Comment accepter la diminution de ses facultés ? Quelle réaction de l’entourage ? Mais Amour de Michael Haneke n’est certes pas un vademecum. Du moins, pas pour celui qui refuse d’être instrumentalisé.

 Comme la palme d’or à Cannes est venue le souligner, le thème de la fin de vie est un sujet rarement abordé au cinéma. Peut-être que ce support qu’est le long métrage n’est pas le plus à même d’épauler le traitement d’un tel sujet.

Cela étant, le spectateur est intelligemment plongé dans une ambiance propice avec une affiche, un titre, des acteurs et un réalisateur pertinents. Cette atmosphère est conditionnante, tout spectateur sensible pressent qu’il va verser une ou plusieurs larmes. De l’émotion à la vision de ce couple, Anne et Georges, anciens professeurs de musique, qui vivent la dernière aventure qu’ils avaient à partager. Le triptyque est connu (tant il est devenu de nos jours l’inquiétude même de l’existence) : vieillesse, déchéance physique-souffrance, mort. Et pour mieux plonger le spectateur dans cette perspective finale et radicale, l’aventure se déroule dans un huis clos total, l’appartement commun du ménage.

Mais il y a un problème. Quelque chose ne fonctionne pas. L’aventure comme la séance sont terminées et le constat est déroutant : nombre de spectateurs ont le yeux secs et le coeur à l’avenant. Comment est-ce possible ?

Côté interprétation, le trio est sans fausse note. Entre deux hauts représentants de la fine fleur du cinéma français, Isabelle Huppert et Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva s’en sort avec une grâce tangible.

Côté mise en scène, elle fait montre d’une architecture globale qui se traduit par des scènes parfaitement millimétrées. C’est l’une des marques de Mickael Haneke depuis 71 fragments d’une chronologie du hasard. À la différence des précédentes œuvres du réalisateur, le fatum et l’obscurité de la psyché ménagent une part à une sensibilité quasi humaniste.

C’est dit. Mais ce qui ne va pas du tout, c’est l’instrumentalisation du spectateur et du sujet. Haneke produit une peur aux ressorts trop calculés et à la qualité douteuse qui innerve une partition réglée dans le seul but de susciter une adhésion émotive. C’est patent avec la scène du robinet qui indique sans ambiguïté au spectateur qu’il a accepté de suivre un chemin balisé.

Certes, cela n’obère par le déroulé réussi de l’évolution que chaque personnage doit suivre dans son rôle. Mais cela sonne faux. Au lieu d’accompagner les personnages, le spectateur se réduit à être témoin de la déchéance qui se déroule sous ses yeux. Il subit les événements. La femme se désagrège de plus en plus, l’homme le vit de plus en plus profondément et violemment. Il n’a pas le choix de faire autrement en honneur de cet amour qui l’habite.

Georges accepte tout par amour. Haneke l’illustre par le sordide ; si sa qualité n’est pas douteuse, l’accumulation éreinte. Anne fait des caprices, Georges la gifle. Anne se débat, Georges l’attache. Si le combat est perdu d’avance, Georges y croit, sans y croire. Comme si l’amour ne devait tolérer que ce comportement, aucune réaction plus violente qui ferait tache. La fin évidente conclue cette séance d’insoutenable gratuit et triste.

Certains aimeront cette forme de pression et instrumentalisation. Le cinéma moderne n’est pour certains que manipulation, voire perversion. D’autres refuseront d’accepter de facto un cheminement et des conclusions bien facilement imposées. La vie ne se déroule pas d’une manière analogue. 

Jusqu’à présent, le système de manipulation déployé par Haneke dans ses productions fonctionnait bien et forçait librement le consentement du spectateur, mais dans Amour, c’est comme si le sujet traité refusait inexorablement de se réduire à un tel artifice.

Amour est tout autant un chef d’œuvre de la misanthropie qu’un anti-Harlequin facile, orienté, calculé qui instrumentalise sans lendemain le spectateur. Étrange, mais non désirable.

David Norgeot et Nicolas Roberti

 

 

 

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