« Les Bretons et l’Amérique du Nord » … Si le lien entre ces deux données peut sembler quelque peu fortuit, les explications éclairées à l’IFA de l’historien André Lespagnol ont eu vite fait de dissiper, mardi 14 octobre, les quelques doutes encore subsistants !

Plus d’une cinquantaine de personnes étaient venues assister à l’exposé du conférencier à l’Institut franco-américain de Rennes (IFA). En orateur avisé, l’érudit a su rendre attractif et attrayant un sujet qui aurait pu sembler un tant soit peu fastidieux pour les non-initiés.

Des marins bretons qui partent pêcher la morue outre Atlantique dès 1504 (premières preuves documentaires) en empruntant « la route de la pêche » vers l’Ouest : les premières relations entre les Bretons et l’Amérique du Nord étaient nouées ! L’île de Cap-Breton, au sud du fleuve Saint-Laurent, atteste d’ailleurs de cette activité morutière du début XVIe. Le célèbre marin malouin Jacques Cartier est missionné, en 1534, par François Ier, Roi de France, pour un voyage de reconnaissance. Entouré de ses compagnons de fortune, le navigateur remonte alors le St-Laurent jusqu’à l’intérieur même du continent dans l’espoir de découvrir un passage qui permettrait d’atteindre le Cathay (la Chine) et d’assurer ainsi une nouvelle route vers l’or et les épices. Comprenant qu’il ne pourrait atteindre l’Orient ainsi, il stoppe son expédition en 1535 ramenant avec lui, non pas de « l’or et d’autres choses précieuses », comme cela lui avait été demandé, mais de la fourrure (notamment de castor) et des « pierres brillantes », qui s’avéreront être… du quartz !

La relation qui se créée entre les Bretons et l’Amérique du Nord s’avère donc être pour le moins ambigüe, la découverte de ce pan de continent s’étant faite, en quelque sorte, par défaut et par déception, celle de ne pas avoir découvert de « choses précieuses » hormis une richesse naturelle halieutique qui va attirer navires et marins bretons pendant des siècles : la morue ! C’est cette aventure morutière, majeure et durable, qui va permettre aux Bretons, pourtant « cantonnés dans la frange maritime du continent », de créer et d’entretenir une activité économique et humaine régulière et solide, avec l’Amérique du Nord, grâce au développement d’une pêche sédentaire leur permettant d’être au contact de la réalité du continent et de ses habitants. Des contacts « assez positifs globalement » se tissent avec les Amérindiens grâce, notamment, au troc. En revanche, les rapports avec les Inuits se révèlent violents et conflictuels et il faudra attendre près d’un siècle pour que les relations s’apaisent avec la signature d’un accord en 1770. Les liens avec les colons anglais sont également difficiles du fait d’une concurrence acharnée pour l’appropriation des terres et la mise en valeur des ressources (fourrure, morue). En 1763, le Traité de Paris fait perdre à la France le Canada mais l’Hexagone conserve toutefois un droit de pêche sur les côtes de Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent, jusqu’en 1992.

En 1685, la révocation de l’Édit de Nantes entraine l’émigration d’un petit contingent de huguenots bretons vers l’Amérique du Nord. L’émigration bretonne vers ce continent connaîtra un nouvel essor à la fin du XVIIIe siècle avec l’émigration de jeunes aristocrates bretons, exaltés par le vent de révolte qui est en train de souffler de l’autre côté de l’Atlantique, qui partent combattre aux côtés des insurgés américains (dont Armand de la Rouërie, pour ne citer que lui). À la même époque, Chateaubriand, figure (bretonne !) emblématique du Romantisme, contribue à l’émergence du « rêve américain » par la diffusion d’une image idyllique de ce continent aux grandes étendues sauvages et à la nature préservée. L’émigration se poursuit au XIXe et XXe siècle avec un mouvement de « revival catholique » et l’envoi de missionnaires bretons partis « évangéliser l’Acadie » qui entraine une « pénétration plus profonde des Bretons sur le territoire américain ». Encore aujourd’hui, le « Nouveau Monde » continue d’attirer de jeunes Bretons en quête de gloire : preuve, sans doute la plus probante, avec la fratrie Guillemot, créatrice d’Ubisoft (l’une des plus importantes sociétés sur le marché mondial du jeu vidéo) – « UBI » : « Union des Bretons Indépendants »… ?

N’en déplaise aux plus bretonnants des Bretons (!), ces derniers ont, certes, participé de près à l’exploration de l’Amérique, mais n’ont toutefois pas découvert ce continent ! Quoi qu’il en soit, la relation entre le « Finistère de l’Europe » et son voisin d’outre-Atlantique reste mouvante et complexe mais se poursuit depuis maintenant plus de cinq siècles…

 

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