Eu égard aux derniers romans publiés par la Franco-belge Amélie Nothomb, on pouvait nourrir quelques doutes à l’égard de la qualité de son nouvel ouvrage. Reste que c’est elle qui donna la vie à ce bijou qu’est Stupeur et tremblements. Donc, lecture. Acta. Puis détricotage :

Comme le titre l’indique, ce roman est une énième parodie du conte populaire mis en forme par Perrault. Tout est dit. Bien sûr, réécrire impose un tantinet de renouvellement. Qu’en est-il ici ?

Dans Barbe bleue de Nothomb, tout commence quand l’héroïne vient postuler à une offre de colocation à un tarif qui ne se refuse pas. Saturnine Puissant, puisque c’est elle dont il s’agit, est une jeune femme de 25 ans qui enseigne à l’École du Louvre.

Le propriétaire des lieux qui l’accueille est Don Elemerio Nibal y Milcar. Ce grand d’Espagne de 44 ans a vu sa famille fuir la péninsule à la suite d’un différend avec Franco. Hannibal ? Hannibal Barca, le Carthaginois, ou Hannibal Lecter, le tueur en série… D’ailleurs que sont devenues les précédentes locataires ?

Saturnine est bien évidemment l’heureuse élue. Un curieux mélange humain s’instaure d’emblée. Acentué par les consignes de vie imposées à la nouvelle entrante, notamment l’interdiction de se rendre dans une pièce noire de l’appartement. Sous peine… capitale.

« …s’il vous arrive de l’ouvrir, il n’y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère ».

Entre ses personnages différemment décalés, dans une relation marquée par un devoir d’obéissance et d’amour platonique et gastronomique, un partage de vie s’instaure dans un huis clos  exquis  : entre dégustation de mets délicieux, échange de propos subtiles, offrandes de cadeaux et délectation des champagnes les plus fins. Mais cet excès semblera à certains rehaussé par ses lignes épurées, mais quasi insipide à d’autres. Reste, il est vrai, des plaisirs d’autodérision, de surréalisme et de petites phrases assassines. « Tous les photographes sont autistes. S’ils en étaient conscients, ils nous épargneraient bien des vernissages »

Et la fin surprend… Mais chut ! Elle est à découvrir à la lecture de cet ouvrage qui à l’incongrue originalité d’être à la fois entrainant et… fade.

De fait, comme souvent avec Nothomb, les 170 pages de Barbe bleue s’avalent en une heure. Un agréable moment. Mais le lecteur n’en retirera pas autre chose. Du romanesque simple, efficace, agréable, juteux. A lire en train ou en avion.

In cauda venenum, soulignons une rédhibitoire faiblesse de style. Nous conseillerons aux lecteurs d’Unidivers de lire ou relire le remarquable Procès de Gilles de Rais de George Bataille. Malheureusement, Nothomb n’est guère à Bataille ce qu’est Gille de Rais à Jeanne d’Arc… Question de rapports aux médias certainement.

Nicolas Roberti et David Norgeot

 

      Barbe bleue, Amélie Nothomb, Albin Michel,  22 août 2012, 16,50€

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