Amasia, le livre-CD du groupe nantais Fragments et de l’illustrateur Flobath, invite à découvrir un univers imaginaire, aux contours empreints de réalité. Musique et images servent un monde dystopique, dans lequel la nature a repris ses droits à la suite d’une rupture écologique. La publication est à découvrir dans une exposition au Jardin moderne du 30 novembre 2022 au 5 février 2023. Un concert dessiné mercredi 30 novembre embarquera le public vers Amasia pour une exploration des textures électroniques de Fragments et de l’univers graphique de Flobath.

Dans un futur proche, la population rennaise sera invitée à déserter le centre-ville au profit du Jardin moderne, 11 rue du manoir de Servigné. Le groupe Fragments et l’illustrateur Flobath, explorateurs musicaux et graphiques partageront leur nouvel ovni musical, pour la première fois imagé, le livre-CD Amasia. Les sonorités électroniques envelopperont le lieu associatif bordé de verdure avec un concert dessiné. Il servira d’inauguration de l’exposition du même nom de Flobath, Florian Mallet de son vrai nom.

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Flobath et Fragments © Nadège Lacour

Il est de ces musiques qui génèrent des images rien qu’à l’écoute. Celle de Fragments est l’une d’entre elles. Créé en 2012 par Tom Beaudouin et Benjamin Baron, Fragments est envisagé comme un nouveau souffle créatif pour les deux musiciens alors qu’ils se trouvent respectivement dans une impasse musicale. Sylvain Texier rejoint le duo peu de temps après et un premier album sort en 2015, Imaginary seas. En 2016, Sylvain laisse sa place à Joris Saïdani. Le groupe est actuellement composé de Benjamin aux machines et guitare, Tom aux percussions et Joris à la batterie.

La musique nordique, le post-rock et les musiques électroniques comptent parmi les influences qui ont nourri la créativité de Fragments à ses débuts. Parmi elles, l’Allemand Nils Frahm, l’Islandais Olafur Arnalds, les Américains The Album Leaf, le groupe de rock islandais Sigur Ros et le musicien électronique français Saycet. À mi-chemin entre le post-rock cinématographique et la musique organique, la révélation des Inouïs du Printemps de Bourges de 2014 offre une musique instrumentale contemplative et planante, faite de nappes douces et profondes, véritable plongée dans un pays imaginaire que l’auditorat se crée. « Ces derniers temps, on est plus allés du côté des musiques électroniques, des bandes originales de John Carpenter et des artistes comme Rival Consoles, même s’il y a un lien avec le minimalisme des musiques nordiques et le post-rock qui nous animait au début », déclare Tom. Les deux derniers albums du groupe de rock alternatif américain Low font partie de leurs plus récentes influences.

À la recherche d’un univers graphique afin d’illustrer une musique sans paroles, le trio a toujours laissé une grande place à l’image dans son travail, notamment par l’intermédiaire de ses artworks. Puis, en 2018, il relève avec brio le défi du ciné-concert Fargo des Frères Cohen. « Avoir des contraintes dans la composition et proposer un univers en lien permanent avec l’image nous a particulièrement intéressés », se rappelle le percussionniste.

Le nouveau projet Amasia, tant sonore que visuel, est né de l’envie de poursuivre ce dialogue entre images et musique. « Au début, il y a eu le fait de créer des images mentales sans les accompagner de vidéos, puis l’expérience du ciné-concert. Amasia est un peu la troisième phase. » En cours de finalisation de l’album, les trois musiciens pensent à leur ami illustrateur Florian Mallet, Avignonnais devenu Nantais depuis trois ans.

Connu sous le nom de Flobath dans le monde de l’illustration, Florian gravite depuis longtemps dans le monde de la musique : créateur de pochettes d’album dans le passé, auparavant membre de plusieurs groupes et aujourd’hui musicien dans Edimbourg of seven seas, projet solo devenu aujourd’hui un groupe (dans lequel joue d’ailleurs Joris, le batteur de Fragments). Autant de sensibilités communes qui ne pouvaient que les rapprocher. « Quand on a rencontré Flo, on commençait à composer Amasia avec Ben et Joris », raconte Tom. « Pour chaque morceau, on créait un petit moodboard [planche de tendances, ndlr.] d’illustrations qu’on aimait, on découvert certains dessinateurs chez Flo. » La collaboration apparaît comme une évidence, l’univers graphique de Florian répondant parfaitement à celui voulu par Fragments. « Un projet autour de l’effondrement et d’une Terre vide, avec seulement des traces humaines et beaucoup de paysages, avait du sens par rapport à ce que j’aimais en dessin et au taff que je faisais avant », exprime Flobath, géographe de formation qui a changé d’orientation à son arrivée dans la ville des ducs.

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Inlandsis © Flobath

La première réunion a lieu le 14 septembre 2021, date dont le dessinateur se souvient très bien et qu’il semble aimer rappeler. « Quand j’ai reçu la maquette, l’album était terminé depuis un an déjà », informe Florian avant que le percussionniste précise : « On savait qu’on voulait une illustration par morceau et on tenait beaucoup au côté papier. L’idée du livre est venu en échangeant avec Flo ». Puis, Flobath complète : « L’aspect visuel est ancré dans Fragments ». Muni de son carnet de croquis, son « précieux », pendant la première partie du projet, Flobath gratte des idées jusqu’à déterminer un monde avec le groupe. « Dès que je dessinais, je leur envoyais et il me faisait des retours. Je leur envoyais à peu près quatre croquis par morceau, soit ils en validaient un, soit on déterminait une ambiance sympa que je retravaillais jusqu’à trouver l’illus’ définitive. »

Ce bébé du confinement s’est formé pendant cette période particulière. Il raconte en filigrane l’envie d’évasion hors des villes alors que la pandémie touche toute la planète. « Le projet a commencé à distance, mais on a eu une grosse période de mise en commun », précise tout de même Tom. Fable écologique composée de onze illustrations pour le même nombre de morceaux, la publication se situe dans un univers entre fiction et réalité.

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Tirant son nom de l’hypothétique futur supercontinent qui pourrait se former par la fusion de l’Asie et l’Amérique du Nord, Amasia est, chez Fragments et Flobath, un monde où les populations ont migré vers l’hémisphère sud tandis que les mégalopoles du XXIe siècle ont été désertées. Il est fait d’une nature sauvage et de paysages fantasmés, de bateaux échoués, de ponts en décomposition et de friches industrielles. Proches de la gravure et du tatouage, caractéristiques propres à l’univers de Flobath, les illustrations révèlent également l’intérêt de tous pour les bandes dessinées, les illustrations, les romans graphiques et le cinéma, ainsi que leur goût pour la science-fiction.

Ces lieux désertés sont enrichis d’aplats de couleurs pop, dus notamment au procédé sérigraphique. « L’idée était de faire très simple », explique Flobath avant de continuer : « N’étant pas du tout coloriste, je me suis mis à la couleur avec ce projet-là. » Loin d’être un imaginaire de terre brûlée et sans vie, façon Mad max, Amasia est un état des lieux de ce monde d’après la rupture écologique, le constat d’un environnement en pleine évolution. « C’est dans un futur proche, une situation plus que probable, mais on ne s’est pas interdit les couleurs pop, parfois irréalistes, comme Möbius a pu se l’autoriser », précise Tom. L’illustrateur Jérémy Perraudeau, le duo Icinori et l’auteur Benjamin Adam, tous ces familiers des couleurs flashy représentent des références utilisées pour la mise en couleur. « On voulait avoir une palette restreinte pour avoir une cohérence », ajoute Florian.

Les couleurs sautent aux yeux dès l’ouverture du livre. Et dans un cheminement à la fois musical et narratif, les premières notes de « Île fantôme » retentissent à la manière du générique de la série à succès Strangers Things. Les textures électroniques et organiques plongent les auditeurs et auditrices dans l’univers cartographié par les explorateurs Fragments et Flobath. On y voit et écoute la fonte des glaces dans « Unlandsi » et « Isthme » et la montée des eaux dans « Pinacle ». Une dimension narrative accentuée par la présence de courts textes qui complètent l’objet dans la mise en page, à la façon d’un cartel dans une exposition. « Les titres m’ont permis de faire les dessins, les textes de les affiner. Et ensuite, l’illustration a permis d’affiner le texte », résume l’illustrateur.

En bonus de cette expérience novatrice, le groupe s’est offert un featuring avec Thomas Poli dans « Undae ». « Thomas vient du rock indé, mais il fait aussi de la musique électronique, expérimentale, du modulaire », nous apprend Tom. Après des débuts chacun de leur côté, dans leur chambre, le groupe termine cette histoire musicale de la plus belle des façons selon eux, dans un magnifique studio, avec un artiste qu’il apprécie énormément et qu’il trouve inspirant…

« On conseille aux gens qui achètent le livre de vivre leur première expérience comme une aventure qu’on lit de A à Z, en mettant le CD et en feuilletant le bouquin image par image, morceau par morceau », guide Florian. Fragments et Flobath invitent à une véritable immersion dans l’histoire qu’ils ont cherché à faire vivre à des personnages que l’on ne voit pas. Mais, en fin de compte, peut-être s’agit-il des auditeurs et auditrices ?

L’exposition Amasia de Flobath est à découvrir du 30 novembre 2022 au 5 février 2023 au Jardin Moderne, 11 rue du Manoir Sévigné. En inauguration, Fragments et Flobath, ainsi que Thomas Poli, donneront un concert-dessiné mercredi 30 novembre, de 19 h à 21 h. L’entrée est gratuite.

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© Amasia, Fragments et Flobath

Tiré à 300 exemplaires, le livre-CD Amasia est composé le 11 illustrations sur 23 pages paru le 13 septembre 2022 et est à retrouver en ligne (28€ frais de port inclus) ou au prix de 25 € à la librairie La Nuit des temps et au disquaire Hit Sammy à Rennes, la librairie Coiffard à Nantes, la librairie L’Oiseau tempête à Saint-Nazaire et la librairie M’lire à Laval.

Site Amasia

Fragments bandcamp / instagram

Flobath instagram

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