Dans le cadre du festival La Vilaine était en noir, l’artiste espagnole Almudena Lobera a pris, parmi quelques autres, possession d’une des pièces de L’Hôtel Pasteur afin de donner à voir une installation polymorphe qui interroge en profondeur l’image et la perception. Rencontre.

 

almudena lobera
Lugar entre / Somewhere between, 2012

Tranquillement réfugiée dans un coin obscur de la pièce qui lui a été désignée pour son installation, Almudena Lobera tripote son portable comme le feraient des dizaines d’adolescentes dont elle a gardé l’aspect naïf et attachant. C’est vrai, on dirait presque une toute jeune fille. Il n’y a pas que dans son aspect que Almudena Lobera a gardé cette fraîcheur, son regard sur les choses nous invite à être plus attentifs aux images, au risque de n’en effleurer que la surface.

Almudena Lobera
Almudena Lobera

Artiste déjà reconnue en Espagne où elle a vu le jour en 1984, elle a gardé de Madrid, sa ville natale, cette exubérance mêlée d’élégance qui donne envie de la suivre tant il est perceptible qu’elle est capable d’ouvrir nos yeux sur une autre vision de la réalité. Elle est diplômée de l’Université Complutense à Madrid. Éclectique, elle n’a pas hésité à se frotter à d’autres formes d’expression artistique en s’exilant deux ans, dans le cadre d’Erasmus, à l’université des arts de Berlin (UdK) dont elle sort diplômée avant de conforter sa formation au HISK à Gand, en Belgique. Almudena part du principe que

l’espace et le spectateur sont des éléments activateurs. Altérant les logiques établies de la perception, de la représentation, de la lecture, son travail creuse la question des modes par lesquels se configure l’expérience visuelle et enquête sur les différentes natures immatérielles de l’image.

 

Almudena LoberaLorsque nous lui demandons si elle envisage de retourner un jour sur sa terre natale, la réponse ne se fait pas attendre, il y a très clairement un risque de ce qu’on pourrait appeler un embourgeoisement de la pensée, avec comme corollaire un appauvrissement de la source d’inspiration. Les artistes sont-ils donc condamnés au statut de nomades ?

Le challenge de cette exposition « Enquiry in my own room » est de mettre en place différentes installations en s’appropriant le lieu, en l’occurrence ce qui ressemble fort à une salle de cours de l’ancienne fac dentaire de Rennes avec paillasses, bec Benzène et autre mobilier scientifique tout droit sortis d’une époque déjà lointaine.

Almudena LoberaLa proposition de Almudena Lobera, s’avère des plus stimulantes. Si la paillasse de carrelage blanc, parsemée de morceaux de verre, de miroirs et de tessons se prend soudain à vivre en accrochant tous les brins de lumière qui passent à sa portée, les tiroirs éclairés de l’intérieur, s’ouvrent juste ce qu’il faut pour nous laisser entrevoir les bustes et les mains de deux aveugles palpant des objets pour en construire une représentation différente. À dessein, les visages en sont dissimulés puisque les yeux, devenus inutiles, ne servent en rien cette construction mentale. Deux autres tiroirs, dont l’ouverture est occupée par des écrans, contribuent à nous dérouter totalement, car ils délivrent au premier regard une image claire, laquelle, en y portant plus d’attention se révèle être complètement différente de ce que l’on avait perçu sur un rapide coup d’œil. Autre construction, une file d’ampoules éclairées par l’arrière et contenant un liquide qui passe du totalement transparent au gris, puis au noir complet, semble une allégorie de la composition photographique et progressive d’une image.

Almudena LoberaFaisant feu de tout bois, Almudena utilise, illustrant la vie du professeur de mathématique rennais Antoine Louis, un livre qui raconte sa cécité et plus encore. Devenu non voyant pendant le premier conflit mondial après avoir reçu une balle ennemie dans la tête, il a cependant enseigné à Rennes jusque dans les années 50, et illustrait son enseignement des propos suivants :

En géométrie, j’ai un avantage sur vous. Vous voyez la figure, mais la figure tout entière ; moi je vois la figure, mais je n’en retiens que la partie qui m’intéresse pour traiter la question.

 

Auteur d’une formule mathématique dont l’illustration en image ressemble beaucoup à un collier, en fait une représentation fractale, Almudena s’amuse en présentant dans la vitrine située à côté un buste de bijouterie, enfermé comme s’il devait être protégé, destiné à recevoir ce collier virtuel.

Almudena LoberaOuverte du 16 au 29 novembre, cette exposition vous permettra de découvrir d’autres artistes, en particulier nos deux coups de cœur Ibériques, avec Amaia Salazar et ses études phrénologiques mettant en scène des cerveaux interconnectés et la touchante introspection proposée par Alberto Diaz dont les images issues d’une technologie obsolète qui lui confère une authentique poésie, n’en contiennent pas moins une puissance évocatrice qui conduit chaque spectateur à réfléchir à sa genèse personnelle.

De nombreuses surprises en perspective, qu’il vous sera possible de découvrir du lundi au samedi sur une large plage horaire allant de 9 h à 19 h.

Almudena Lobera, L’intuition du sens : exposition à l’Hôtel Pasteur, Rennes, dans le cadre du festival La Vilaine était en Noir du 16 au 29 novembre 2016

Photos fournies par l’artiste

Retrouvez un petit historique de la fac Pasteur ici

Article précédentCulture Club en Trans au Pub Penny Lane de Rennes
Article suivantRennes Surprise party, de la joie dans le goodfood !
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici