Cette année, Unidivers.fr n’était pas sur place pour couvrir la manifestation unitaire d’Alès contre la Corrida le 31 Mai 2014. C’est à travers l’une de ses figures militantes, Roger Lahana, membre du CRAC Europe, organisateur du mouvement, que notre rédaction vous propose un éclairage de cet évènement.

 

Unidivers.fr – Après les municipales de cette année, rien ne semble avoir changé dans la ville d’Alès ? Dans quel contexte s’est déroulée cette manifestation 2014 ?

Roger Lahana – Nous pensions avoir atteint un sommet dans la paranoïa des autorités avec Rodilhan en octobre dernier. La manifestation avait été dûment déclarée et autorisée, mais le maire – ou le ministère de l’Intérieur bien au-dessus de lui – avait fait mettre sa commune en état de siège, avec une mobilisation démesurée de gendarmes mobiles et un centre-ville entièrement enfermé derrière des barrières de 2 mètres de haut. La conséquence en avait été de graves violences sur les manifestants par des forces de l’ordre visiblement très nerveuses.
corrida, alès, anti-corridaPour Alès le 31 mai, il s’agissait de la réédition d’une grande manifestation de format classique, qui s’était déroulée sans problème en 2013 à la même époque. Pourtant, à nouveau, la crispation a battu tous les records et a pris une dimension sans précédent. Alors que le cortège des manifestants commençait à parcourir les rues, nous avons appris que la ville avait carrément été mise sous plan Vigipirate, une décision qui n’appartient qu’au Premier ministre. Le fait qu’il s’agisse dans les deux cas de manuel Valls ne nous surprend pas, venant de lui qui a déclaré en 2012 qu’il ferait tout pour empêcher nos actions. Il s’agit là d’une mesure sans précédent dans l’histoire de la cause animale en général et de la lutte anti-corrida en particulier. Rappelons que le plan Vigipirate est un dispositif de lutte contre le terrorisme, une mesure totalement disproportionnée alors qu’il s’agissait d’une manifestation pacifique parfaitement déclarée et autorisée, qui n’a connu aucun incident sérieux. Cela a conduit le préfet du Gard à publier un arrêté préfectoral incroyable dans une démocratie. Il crée en effet le concept de présomption de culpabilité : si on est présumé anti-corrida et qu’on achète des places pour une corrida, on est considéré automatiquement comme des coupables non pas en puissance, mais confirmés comme tels ; et ce, avant d’avoir commis le moindre délit.corrida, alès, anti-corrida

Avez-vous tiré des enseignements de la manifestation 2013 ?

Nous avions décidé pour cette nouvelle édition du grand rassemblement d’Alès d’ajouter à la manifestation classique des « surprises », en annonçant cependant dans les médias qu’elles seraient toutes légales et non violentes. Pour éviter toute fuite, les organisateurs de ces surprises avaient évité toute communication par mails ou réseaux sociaux, ainsi que tout échange téléphonique puisque nous savons que plusieurs dizaines d’entre nous sont sur écoute. Bien entendu, il n’était pas non plus possible d’expliquer aux milliers de manifestants, devant les forces de l’ordre et les nombreux policiers en civil infiltrés dans nos rangs (pas très discrets, soit dit au passage) en quoi allaient consisté ces actions additionnelles.

corrida, alès, anti-corridaNous avons donc procédé à des achats de places dans les arènes, de façon anonyme et avec des paiements en liquide, afin qu’un nombre significatif de militants puisse s’y installer et dévoiler en quoi consistaient ces surprises à même de faire annuler la corrida prévue. Si quelques-uns d’entre nous ont été identifiés lors de l’achat de billets, beaucoup sont passés inaperçus. Aussi, le préfet a défini des listes de numéros jugés suspects a priori, tous ceux qui avaient été achetés par paquets de plus de dix. Ce faisant, il a également bloqué un certain nombre d’aficionados qui, eux aussi, avaient acheté des places en nombre en raison du fait qu’il n’y avait pas de vente par internet, mais uniquement sur place.

Parlez nous du déroulement de cette année ?

Nous étions plus nombreux que l’année dernière, ce qui a été confirmé par la police (même si leurs chiffres sont toujours ridiculement et notoirement sous-évalués). Nous avons gagné jusqu’à 200 mètres par rapport à l’an dernier, nous rapprochant ainsi très près des arènes. Notre but en nous approchant le plus possible était de faire un maximum de bruit avec nos sirènes, nos sifflets et nos slogans, afin de perturber le spectacle morbide qui se déroulait pendant ce temps. Beaucoup nous ont félicités pour ce que nous avions réussi à faire malgré les moyens incroyables déployés pour nous mettre des bâtons dans les roues. Sur notre page officielle Facebook, le compte-rendu de la manifestation a été vu par plus de 16 000 personnes, bien au-delà des abonnés à cette page (autour de 6100, en forte augmentation depuis la manifestation). Notons qu’il n’y a eu aucun incident sérieux pendant toute la manifestation, ce qui va peut-être calmer un peu ceux qui, Valls et Viard en tête, nous qualifient d’ultra-violents et de terroristes sans le début de l’ombre d’un seul fait violent à nous reprocher.

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Avez-vous pu infiltrer les arènes comme l’année dernière pour témoigner de la violence de la corrida qui reste ouverte aux enfants en bas âge ?

Nos actions dans les arènes ayant été empêchées, nous n’avons rien pu faire pour sauver les six taureaux du samedi, torturés et tués. L’un de nous, qui a tout de même pu entrer avec un petit groupe non repéré par le préfet, a filmé le massacre dans son intégralité. Il est ressorti profondément choqué par l’horreur à laquelle il a assisté. Sa vidéo sera bientôt en ligne. Ce genre de témoignage est crucial pour notre cause. Il faut que les gens qui se disent indifférents à cette barbarie sachent et voient par eux-mêmes.

Quelles sont les prochaines étapes pour le mouvement ? Le procès à venir des militants poursuivis pour insultes ? Le procès des violences des aficionados à Rodilhan en 2011 ?

D’autres actions sont planifiées, qu’elles soient organisées par nous ou pas. Depuis le début de l’année, nous avons décidé de relayer toute initiative de contestation pacifique de la corrida sur nos sites, peu nous importe qui les met sur pied, seul compte l’objectif : perturber sans relâche les corridas jusqu’à ce que, grâce aux médias qui désormais nous suivent de près, le grand public et/ou les députés finissent par décider que cette barbarie n’a plus sa place dans un monde moderne.

Concernant le procès pour insulte, Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC Europe, a fait appel de sa condamnation en première instance, même si la peine qui lui avait été infligée était symbolique (50 euros par plaignant, ce qui a rendu furieux les aficionados, alors que le procès se tenait à Dax, haut lieu de la tauromachie française). Nous irons s’il le faut jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir le droit de dire que des personnes qui commettent des sévices graves et des actes de cruauté sur des animaux (la définition de la corrida dans le Code pénal) sont des sadiques, que ceux qui se réjouissent de ce spectacle indigne sont des pervers et que les parents qui y entraînent leurs enfants commettent un acte honteux.

Jean Pierre Garrigues, leader du CRAC Europe
Jean-Pierre Garrigues, leader du CRAC Europe

Curieusement, il n’a fallu que six mois à la justice pour organiser un procès tonitruant contre ceux d’entre nous qui ont sauté dans les arènes de Rion des Landes en août 2013, alors que deux ans et demi après que 70 militants qui avaient fait de même à Rodilhan en 2011 et se sont fait lyncher par des dizaines d’aficionados qui ont été depuis identifiés, le procès de ces derniers n’a toujours pas été annoncé, bien que l’instruction ait été bouclée en octobre dernier. Nos avocats font tout ce qui est possible pour qu’une date soit enfin donnée et que le vrai visage des aficionados soit étalé au grand jour : des gens violents, qui aiment l’humiliation et le sang versé. De telles pratiques n’ont pas de place dans un pays civilisé. Il faut que cela cesse enfin.

À noter que les aficionados annoncent le chiffre de 2500 spectateurs dans les arènes (pour 3000 places) et 1000 manifestants. Les images montrent pourtant une affluence supérieure dans les rues de la ville, on parle de 5000 manifestants, ce qui est confirmé officieusement par la DCRI. Le chiffre de la police est de 1400 contre 1200 en 2013.

crédit photo : CRAC Europe et Respectons

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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