Descendant d’une longue lignée de meuniers, Alain Gallée a développé une pratique artistique unique, en utilisant les anciens sacs de jute qui servaient à livrer la farine. Pour la première fois, il expose ce travail à l’école de formation des crêpiers de Rennes. Une belle mouture.

 

Unidivers.fr – Quel a été votre cheminement artistique ?

alain galléeAlain Gallée – Oh, artiste me semble un bien grand mot ! Disons que j’ai toujours été passionné par le monde de l’art. Sans doute que le peintre Jean Gobaille que j’ai eu comme professeur à Saint-Vincent n’y est pas pour rien. Parallèlement, à la maison, avec mon père, nous tracions au pochoir les lettres de notre moulin sur les sacs de toile vierge posés à même le sol, avec de l’encre diluée. Des années plus tard, après avoir roulé ma bosse dans l’enseignement et aussi dans de nombreux musées et beaucoup d’expositions, j’ai eu envie de me lancer dans la création liée au monde des moulins. J’ai essayé la photo, le dessin… En 2001, mon frère cessait définitivement l’activité du moulin de Bouillant (à Vern-sur-Seiche) et l’idée m’est venue de travailler le bois, le cuir et les sacs qui ne serviraient plus jamais. A ma façon en transformant ces matières, avec une application poétique, j’espère contribuer à l’enrichissement d’une mémoire.

Quelles sont vos influences ?

Elles sont multiples. Sur le plan philosophique et scientifique, je citerais d’abord François Dagognet qui encourage à « repérer dans le démoli, le souillé, l’élimé, une abondance réelle, les signes d’une appartenance à ce que l’on nomme l’être ». Sur le plan artistique, j’ai une passion pour Léonard de Vinci, Kandinsky, Mondrian, mais j’avoue avoir eu « la » révélation avec l’œuvre du peintre américain Robert Ryman, qui s’apparente au minimalisme et qui a expérimenté beaucoup de supports (toile, métal, plexi, carton, vinyl, etc.) et de matériaux (pastels, graphites, encaustique, acrylique… Sur le plan littéraire, les Lettres de mon moulin me touchent, bien sûr. Vous savez que la première édition (chez Hetzel) était sous-titrée Impressions et souvenirs : çà va bien avec mon travail qui fixe le souvenir en (sur)imprimant la toile.…

Parlez-nous un peu de cet aspect mémoriel…

Vous voyez sur ces toiles, les noms qu’on lit ou qu’on devine : moulins Maurel, Prod’homme, Lorand, Mohring. De Marseille, de Rennes, de Guichen ou d’Alger, certains n’existent même plus physiquement. Celui de Bouillant est cité par Noël du Fail (le Rabelais breton) dans les contes et discours d’Eutrapel (1585) : « Voilà le soleil qui ayant découvert la cime du tertre de Bouillant et voltigé sur la chênaie de Bonne Espoir nous invite à sortir dehors et prendre l’air ». Mon travail rend aussi hommage aux rhabilleuses qui réparaient les sacs sur de grosses machines à coudre. Le chas dévidait le fil reconstructeur et fixait des pièces pour dissimuler les vacuités. Formes courbes, droites, bouchonnements installent une calligraphie que j’exploite à mon tour.

Parfois votre intervention s’affranchit de ces traces pour introduire des signes ou des symboles…

alain gallée, rennes, artiste, exposition, moulinOui, cela peut être des croix, qui symbolisent l’énergie et le transport. « C’est la rencontre de deux dynamismes à un moment donné », disait Tapies. Joseph Beuys lui, estimait que « Tout a la forme d’une croix, c’est le principe cristallin ». Cela peut aussi être six traits rouges au pochoir : ils créent le signe Khien de la divination chinoise selon laquelle les six traits pleins prédisent une grande activité bienfaisante, la dureté énergétique et la fermeté. Dans la mystique des nombres, le 6 exprime la douceur, tout ce qui flatte les sens, l’harmonie, la régularité. Pour moi, ce sont les caractéristiques du moulin.

On voit une série qui s’apparente à des motifs grecs…

Ce sont des motifs qui encadraient des partitions de musique ancienne d’époque médiévale. Je les ai photographiés et agrandis, m’inscrivant encore dans une sacralisation et la création d’une visibilité d’un Espace imaginaire.

 

Du 22 mai au 25 juillet 2014. Du lundi au vendredi de 11h30 à 14h30. Au restaurant d’application de l’école des maîtres crêpiers. Centre culinaire contemporain, rue Maillart de la Gournerie, ZAC Atalante Champeaux, Rennes.

 

Photos : Bertrand Duclaud

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