Avec la fin du conflit à Air France et le début d’un autre à la Lufthansa le transport aérien et son avenir sont à la une. Mais parle-t-on réellement de tous les enjeux de ce secteur d’activité en mutation ? Parmi les solutions proposées, le recours au low cost se taille la part du lion. Explication.

 

Au cœur du conflit entre pilotes et direction d’Air France se trouvait le transfert d’activité vers la filiale low-cost de l’opérateur aérien Transavia. Rebelote avec le conflit Lufthansa. Abstraction faite du fort corporatisme et du manque de solidarité entre pilotes et personnel naviguant, la volonté de toutes les compagnies européennes de mettre en place deux marchés de l’aérien est nette. D’un côté, le low cost afin de répondre aux Easy Jet, Ryanair et autres qui ont grignoté de belles parts de marchés. De l’autre, une offre plus traditionnelle, orientée premium, pour lutter contre les compagnies du golfe, voire asiatiques (Korean Air, Cathay Pacific…).

transavia

Côté client, réjouissons-nous de trouver des billets moins chers. C’est la possibilité de se rendre dans des destinations inaccessibles autrement ou trop chères par le train ou l’automobile. Mais le low-cost rime avec baisse de services : repas absents ou payants, bagages en soute payants ou très limités, pas de rafraîchissement gratuit à bord. En outre, l’aéroport est souvent éloigné de la ville ; résultat : un temps et un coût de liaison supplémentaire. Enfin, les horaires sont souvent moins pratiques, voire franchement préjudiciables, au rythme du sommeil. Bref, l’offre alléchante doit toujours être recalculée avec ses à-côtés. Comme toute autre offre low-cost. Sur les voitures, l’offre réellement low-cost oublie… la climatisation, le multimédia, les présentations flatteuses et autres « gadgets » comme les vitres arrières électriques. Mais partir en vacance avec un micro-bagage ou sans eau (interdiction de passer la douane avec une bouteille) est quelque peu inconfortable, surtout pour un long voyage/séjour.

Côté personnel, le low cost consiste à délocaliser les contrats dans les pays socialement retardés. L’exemple du marché américain, selon une récente étude du ministère du Travail des États-Unis, a montré les limites de cette pratique. Le niveau moyen de rémunération des pilotes est tombé en dessous du salaire d’un enseignant et il est deux fois inférieur à son équivalent en Allemagne. En examinant plus avant la répartition des salaires, ce sont surtout les lignes intérieures et lignes de fret qui sont les moins payées ; les grandes lignes internationales (peu fréquentées par les low cost) étant toujours bien rémunérées. Les compagnies rognent également sur la quantité de personnel par vol et sur les temps de pause. Plus inquiétant, c’est l’application des nouvelles règles de sécurité qui est oubliée. Le magazine Forbes a récemment épinglé des sièges pour enfant défaillants aux États-Unis, sans parler de réservoirs de gazole remplis en fonction de la durée du vol afin d’alléger l’avion – quasiment aucune autonomie en cas de problème en vol…

Une fuite en avant ?

swissairSi Transavia continue à se développer, les lignes les moins rentables d’Air France seront sacrifiées. Il en ira de même pour les « pure low cost » qui bénéficient pour l’instant d’une forte croissance de l’activité jusqu’à la saturation du marché dans quelques décennies. Les compagnies rogneront la qualité du service jusqu’à faire baisser le « seuil d’acceptation du client », lequel devra payer petit à petit ce qui lui était auparavant offert. D’un autre côté, une compensation est attendue grâce au progrès technique des avions, plus économiques en exploitation, tout autant qu’un renforcement des offres premiums où la marge est plus lucrative.

Reste que la question de la survie des « compagnies nationales » se pose. En Suisse, la disparition de la Swissair en 2002 a été vécue comme une humiliation. Il reste des avions frappés du drapeau helvétique, mais ils sont propriétés de… Lufthansa. Entre temps, des dizaines de destinations nationales et internationales ont été supprimées, et des milliers d’emplois avec. Les Suisses s’interrogent encore sur les priorités de renflouement, surtout après la crise financière qui a vu la confédération renflouer la banque UBS à hauteur de 50 milliards de francs suisses. Le même choix se profile pour Air France ou beaucoup d’autres compagnies nationales. Considèrera-t-on qu’il s’agit d’une mission de service public ou laissera-t-on le marché se réguler par lui même ? C’est une des questions que posent les grévistes, mais qui se pose aussi à nous, clients. Au lieu d’être conçu comme une voie obligatoire de développement, le low-cost mériterait d’être pensé en tant que solution parmi plusieurs autres qu’il reste à explorer, voire à inventer.

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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