Le jeudi 24 avril 2025, le tribunal judiciaire de Rennes a relaxé cinq militants d’extrême gauche, dits « antifas », poursuivis pour des violences volontaires aggravées à l’encontre de deux étudiants en droit. Au-delà des faits, cette affaire soulève de nombreuses questions sur la radicalisation politique, la liberté d’expression et la sécurité au sein des universités françaises.
Jeudi 25 avril 2025, 20 h 30. Une salve d’applaudissements éclate dans la salle du tribunal correctionnel de Rennes (Ille-et-Vilaine). Les soutiens des sept militants d’ultra-gauche, jugés pendant six heures pour violences aggravées, laissent éclater leur contentement. Poursuivis pour avoir agressé deux étudiants affiliés au Rassemblement national devant la faculté de droit de Rennes, Elouan Racineux, collaborateur du conseiller régional du RN Gilles Pennelle et son ami, qui participaient à une manifestation contre l’austérité à l’université. Les prévenus ont tous été relaxés.
Les faits : une agression ciblée sur fond de clivages idéologiques
L’agression a eu lieu le 27 février 2025, en marge d’un rassemblement organisé contre l’austérité dans l’enseignement supérieur. Deux étudiants en droit, dont l’un affilié à un syndicat étudiant classé à droite, ont été violemment attaqués par un groupe d’individus cagoulés qui ont utilisé des parapluies pour masquer leur visage et perturber les caméras.
Selon les témoignages recueillis par la presse et les victimes elles-mêmes, l’attaque a duré plusieurs minutes. L’un des étudiants a subi des coups au visage et sur le torse ; l’autre a été projeté au sol, perdant ses effets personnels dans la confusion. Des images issues d’un drone de surveillance ont été utilisées par les enquêteurs pour identifier cinq suspects, âgés de 19 à 29 ans, tous liés à des milieux militants antifascistes actifs dans la métropole rennaise et connus des services de police.
Le procès : entre vices de procédure et incompréhension
Lors de l’audience du 24 avril, la défense a tenté de faire écarter les images captées par drone, soutenant qu’elles avaient été enregistrées hors du périmètre autorisé. Cet argument a suscité de longues délibérations de la part du tribunal, laissant craindre un effondrement de l’ensemble du dossier.
Finalement, les juges ont déclaré les vidéos recevables. Celles-ci révélaient clairement les gestes de chacun : coups portés, coordination du groupe, vol d’objets. Et pourtant, malgré la solidité apparente des preuves, et en dépit des réquisitions du ministère public — jusqu’à huit mois de prison ferme — le tribunal a prononcé la relaxe des sept prévenus. La motivation : des irrégularités dans les conditions de captation des images, jugées insuffisamment conformes aux exigences de procédure. Une décision fondée donc sur un vice de forme, plus que sur le fond du dossier.
cette relaxe a suscité l’incompréhension et la colère des victimes. L’une d’elles a déclaré à la sortie de l’audience : « C’est un signal terrible envoyé aux agresseurs. On peut frapper à plusieurs et s’en tirer si on est organisé. »
Une polarisation croissante dans les milieux étudiants
Cette affaire met en lumière un climat politique tendu dans les universités rennaises, et plus généralement dans l’enseignement supérieur français. Depuis plusieurs années, le campus rennais est le théâtre d’oppositions virulentes entre groupes militants d’extrême gauche, mouvances identitaires, et syndicats étudiants plus institutionnels.
Des blocages, occupations et confrontations verbales ou physiques sont régulièrement rapportés. Ces tensions ne sont pas propres à Rennes, mais y trouvent un écho particulier du fait d’une tradition militante ancrée, héritée des années post-68 et réactivée par les luttes contre la réforme des retraites ou la loi LPR (voir notre article).
L’université dans l’étau : neutralité institutionnelle ou vide sécuritaire ?
Rennes, comme d’autres établissements en France, semble prise entre deux exigences contradictoires : garantir la liberté d’expression et de manifestation sur le campus, et assurer la sécurité de tous les étudiants, quelles que soient leurs opinions. Certaines voix s’élèvent pour dénoncer une forme de passivité institutionnelle : « On laisse faire jusqu’au drame », commente un enseignant en droit, sous couvert d’anonymat. D’autres soulignent au contraire la difficulté d’intervenir sans alimenter les tensions ou être accusé de répression politique.
Le débat sur les drones : libertés publiques vs. sécurité collective
L’un des enjeux du procès dépasse même le cadre universitaire : il touche à la légalité de l’usage des drones par les forces de l’ordre. Autorisés dans certaines circonstances, ces dispositifs restent très encadrés juridiquement. Leur utilisation à proximité d’établissements privés sans mandat précis peut conduire à l’invalidation des preuves, comme ce fut le cas ici. Cette affaire relance le débat sur le cadre légal flou entourant la vidéosurveillance aérienne, et sur l’équilibre difficile entre sécurité publique et respect des libertés individuelles.
Un précédent inquiétant ?
Si les cinq prévenus « antifas » ont été relaxés, l’affaire pourrait avoir des effets durables sur la vie du campus et sur la stratégie des groupes militants, qu’ils soient antifascistes ou réactionnaires. D’un côté, certains redoutent une escalade des affrontements si les auteurs de violences sentent qu’ils bénéficient d’un sentiment d’impunité. De l’autre, des étudiants et enseignants craignent une instrumentalisation politique de l’université, réduite à un champ de bataille idéologique.
Le procès de Rennes a mis à nu les fragilités du vivre-ensemble dans l’enseignement supérieur. Derrière une affaire de violence ponctuelle, c’est tout un modèle d’université démocratique, tolérante et ouverte qui semble vaciller, voire à Rennes 2 s’effondrer.
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