Quel élève des classes d’antan n’a en mémoire le nom de celui dont les poésies latines le mirent à la torture ? Acis et Galatée sont deux amants de la mythologie grecque dont la légende est rapportée par Ovide dans les Métamorphoses. Ovide et  son « art d’aimer » ; tant de vers légers et gracieux dont le souvenir est pourtant des plus cuisants. Il a fallu la musique, souveraine pour tous les maux, et la réécriture de John Gay, afin de réconcilier le latiniste adolescent et l’auditeur de l’opéra de Rennes jeudi 11 février 2016.

 

damien guillon
Damien Guillon

Cet opéra en deux actes, encore que le terme d’opéra puisse lui être contesté, nous a été proposé par une formation dirigée par Damien Guillon, au nom inspiré de : Le banquet céleste. C’est plutôt bien trouvé et c’est effectivement au ciel que ce groupe de qualité nous a entraînés. Tout y est équilibré et cohérent. Après l’introduction parlée du comédien Olivier Dutilloy, les musiciens nous ont offert des sonorités antiques et acidulées. Les chanteurs, au nombre de cinq, n’ont pas démérité. Catherine Crompton nous a campé une Galatée émouvante, la répartie lui est venue d’un Acis des plus convaincants en la personne du ténor Cyril Auvity. Sa voix est particulière et semble tout à fait adéquate au répertoire baroque. On l’imagine très facilement dans des œuvres de Lully, Purcell, Haendel et même Bach. Il a d’ailleurs chanté le roi Arthur en 2009. Ces tenants des rôles-titres nous ont, en fin de première partie, offert un duo amoureux des plus charmants en interprétant avec jubilation la pièce sans doute la plus connue de cet opéra, « Happy we !».

banquet célesteIls étaient accompagnés de l’irréprochable Edward Grint dont la belle voix grave donne au personnage du cyclope Polyphème une dimension particulière et contribue à la réussite de ce spectacle. Même remarque pour le ténor Patrick Kilbride ou pour la mezzo soprano Emilie Nicot dont les rôles peut-être plus modestes n’en sont pas moins tenus avec sérieux et s’avèrent indispensables à l’homogénéité de cet ensemble vocal. S’il est un moment qui a particulièrement ému la nombreuse assistance présente au parterre comme dans les baignoires, c’est celui de la mort d’Acis, épisode sobre et bouleversant, au cours duquel les cinq chanteurs ensemble, expriment leur peine dans un couplet aussi simple que magnifique, « the gentle Acis is no more ».

Pour ce qui concerne l’argument de cet opéra, nous sommes bien entendu obligés de retourner dans une Grèce aussi antique que mythique. Les scènes pastorales se déroulent dans une Arcadie idéalisée, pays de cocagne où lait et miel coulent à flots et où bergers et bergères sont couverts de rubans et folâtrent dans la nature avec insouciance : c’est tout à fait en accord avec les aspirations poétiques du XVIIe siècle, mais apparaît maintenant comme notablement « cucul ». Peu importe puisque seule compte la musique !

Un dernier mot : ne soyons pas injustes en nous contentant de seulement citer John Gay, l’auteur du livret, sans apporter de plus amples informations. Ce poète et dramaturge anglais a laissé dans la musique une trace des plus importantes puisqu’il est l’auteur du livret de « l’opéra des gueux » et pour ceux qui ne seraient pas inspirés par cette remarque, qu’ils sachent que deux auteurs des plus en vue de notre XXe siècle, Kurt Weill et Bertolt Brecht s’en sont inspiré pour créer un œuvre aussi fameuse que divertissante et qui s’appelle « l’opéra de quat’ sous » : avec la chanson de Maki vous reconnaîtrez peut-être un air familier.

Haendel, Acis et Galatée, Opéra de Rennes

Opéra en deux actes
Livret de John Gay d’après la légende Acis et Galatée, tirée des Métamorphoses d’Ovide (1731)

acis et galatee

Direction musicale :  Damien Guillon
Galatée :  Katherine Crompton
AcisCyril Auvity
PolyphemusEdward Grint
DamonPatrick Kilbride
Coridon : Émilie Nicot
Production : Centre Lyrique Clermont-Auvergne en coproduction avec l’Opéra du Grand Avignon, l’Opéra de Massy, le Théâtre Gabrielle Robinne de Montluçon et Le Festin-Compagnie.

https://www.youtube.com/watch?v=X3Whzt9dG-U

Acis et Galatée, est un opéra-masque en anglais sur un livret attribué à John Gay, composé par Haendel en 1718 pour le duc de Chandos au château de Cannons. Acis et Galatée jouit d’une popularité exceptionnelle du vivant de Haendel et fut joué plus de 100 fois. Le livret, inspiré de « l’Histoire d’Acis, Polyphème et Galatée » du Livre XIII des Métamorphoses d’Ovide, met en scène la nymphe des Mers, Galatée, éprise d’Acis, fils de Pan, et le cyclope, Polyphème, qui, chantant en vain son amour pour Galatée, rendu jaloux et furieux, blesse mortellement Acis sous un énorme rocher. Acis devient alors immortel, métamorphosé sous la forme d’une source.

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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