Cet hymne à la liberté et à la résistance morale face aux diktats de la société n’a pas perdu une ride, bien qu’il ait près d’un demi-siècle. Au Colisée de Roubaix, cette pièce a suscité une longue ovation de la part du public tant l’adaptation de Stéphane Daurat et l’interprétation des acteurs a été magistrale. Elle a su plonger les spectateurs dans un univers carcéral et médical vraiment angoissant, étouffant…

 

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Ici, le lavage de cerveau est plus courant que celui des dents et il ne fait pas bon contredire l’infirmière-chef, qui a tout pouvoir sur votre esprit et votre corps, votre âme. Ici les souffrances sont à fleur de peau, mais les exprimer, même si on y est incité par les fameux groupes de parole, revient à se faire moquer et tomber encore plus bas dans l’estime des autres et surtout dans sa propre estime. Ici, il est de bon ton d’être dingue ou dépressif, mais il convient de rester un doux dingue et de filer droit, d’accepter le règlement même (et surtout) s’il est stupide, de faire le dos rond… Il est certain que vous ressortirez plus fou que vous n’y êtes entré…

Mais impossible pour Patrick Mac Murphy de se fondre ainsi dans le groupe et de se laisser grignoter par ce système, d’autant plus qu’il est persuadé n’être là que pour un bref séjour. Il va allègrement perturber l’équilibre déjà précaire de cette microsociété où la tranquillité n’est qu’apparente, et va dès son arrivée se mettre à dos l’infléchissable et indestructible Miss Ratched, plus rigide et bornée qu’il n’est de mots pour le dire, et qu’on a envie de frapper tant ses idées préconçues et ses principes distillent le mal, attisent les névroses, augmentent les angoisses… Le chef Bromden, colosse indien figé dans son mutisme l’a bien compris, puisqu’il se retire en lui-même pour échapper à cet environnement détestable, et parler avec son père défunt. Narrateur de cette triste histoire, dont il se positionne pourtant sur la périphérie, il en sera cependant le pivot central à la fin.

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Tous les personnages de ce huis-clos sont poignants, criants de vérité, étalant ainsi leurs peurs, leurs obsessions, mais aussi leurs pudeurs et leur douceur, et parfois la solidarité ou des germes d’amitié qu’il suffirait d’un peu motiver pour changer le cours des choses…

Par bonheur, la pièce est en même temps que terriblement angoissante, révoltante même, très drôle, et l’on peut grâce à l’humour supporter ces scènes qui s’apparentent à de mauvais traitements. Impossible de rester impassible, de ne pas avoir envie d’intervenir. Et pourtant, nous avons été scotchés sur nos sièges par ce spectacle d’une force et d’une émotion incroyables. Cette adaptation du célèbre roman de Ken Kesey apparait en effet comme une dénonciation de tout système totalitaire, que ce soit le système médical ou disciplinaire. Le texte combat les idéologies uniques et prône la liberté de penser, à défaut de celle d’agir. Il nous incite à lutter contre toutes sortes d’oppressions, physiques ou morales, et à nous insurger contre la bêtise et l’injustice.

Minuscule bémol : difficile de se défaire de l’image de Nicholson, malgré le jeu de l’acteur très réussi…

 Alix Bayart

Jack nickolson

 

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Vol au-dessus d’un nid de coucou de Dale Wasserman, d’après la pièce de Ken Kesey.
Mise en scène : Stéphane Daurat. Adaptation : Jacques Sigurd. Scénographie et lumière : Jean-Luc Chanonat. Régie : Guillaume Giraudo.
Compagnie Caravane. Avec : Olivier Baucheron, Arnaud Perrel, Olivier Deville, Patrick D’Assumçao, Thierry Jahn, Stéphane Daurat, Catherine Hauseux, Richard Leroussel, Céline Ronté, Pierre Giraud et Gwenaël Ravaux.

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