Paru le 4 mars 2021 chez In Fine Éditions d’art, 1 immeuble 1 œuvre met en lumière la façon dont les œuvres architecturales peuvent s’implanter dans le paysage urbain en adéquation avec les populations.

1 immeuble 1 œuvre, sorti le 4 mars 2021, se donne pour objectif de penser les rapports entre individus, société et espace. Selon Marc-Alexis Baranes, directeur des éditions In Fine, « ce livre illustre la façon dont promoteurs, architectes et artistes peuvent collaborer pour que les œuvres investissent l’espace public dans un esprit de synergie ». Plusieurs responsables contribuent à l’écriture et à la diffusion de cet ouvrage. Les textes sont écrits par Alexia Guggémos « artiste-photographe-street artiste » et les photographies prises par Emmanuelle Blanc architecte et photographe. Arthur Toscan du Plantier, président du Club 1 immeuble, 1 œuvre et Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers, la philosophe Cynthia Fleury et les architectes Dominique Jakob et Brendan MacFarlane participent également à cet ouvrage.

Loin d’être une initiative complétement privée, les 13 promoteurs et foncières du projet se sont mis en lien en décembre 2015 avec le Ministère de la culture pour lancer un soutien public aux artistes et à la création, par la signature de la Charte « 1 immeuble, 1 œuvre ». « Favoriser une action artistique privée et décentralisée » : participent à ce projet la société civile, l’État mais aussi et surtout les collectivités territoriales, pour adapter chaque programme d’urbanisme et de mise en valeur du territoire aux espaces et populations. Tout est ainsi pensé dans une démarche relationnelle.

1 immeuble 1 oeuvre guggémos blanc

On l’a compris, le but de l’entreprise est de rendre plus viable l’environnement urbain, pour tous et toutes. Aujourd’hui, il apparaît que les architectes et urbanistes sont face aujourd’hui à des difficultés pour concilier viabilité des bâtiments et prise en compte du confort des habitants/résidents. De plus la complexité de lier action privée et action privée dans ce type de projet architectural constitue un véritable défi. Les régions, l’État, la ville et les acteurs publics et privés ne sont pas toujours en accord avec la construction d’infrastructures publiques. D’où ici l’alliance entre acteurs de l’immobilier, artistes et le Ministère de la Culture. Ici la plupart des installations sont situées dans des quartiers d’affaire ou dans des centres-villes, mais la visée reste celle d’un accès commun à des infrastructures originales, décentes et s’accordant avec l’environnement. 

Pour répondre à ces besoins et explorer les rapports entre environnement et humain, l’ouvrage s’organise en cinq parties. Elles correspondent à cinq voies d’accès du projet : « Innover, dialoguer, honorer, scénariser, surprendre« . Cinq chemins indispensables pour mettre en avant les finalités de ce projet architectural.

D’abord, « Innover » renvoie à l’une des fonctions premières de l’urbanisme : celle de rendre nouveau un objet déjà utilisé ou ancien. Les auteures Alexia Guggémos et Emmanuelle Blanc définissent le verbe comme le moyen d' »introduire une nouveauté dans une réalité préexistante avant de la rendre pérenne. » Cela se traduit, dès le Xe siècle dans la Rome antique par la construction des premières vitres peintes aux vitraux en plomb, par exemple. Aujourd’hui, cette mission s’insère dans les défis d’artistes-architectes, qui illustrent bien cette prise en compte de l’espace comme à renouveler. L’artiste Daniel Buren choisit d’utiliser la marqueterie pour transformer l’entrée d’un immeuble résidentiel à Boulogne-Billancourt. Il utilise pour cela un « matériau rarement utilisé en marqueterie« , le Corian, à base de poudre minérale. Selon la critique d’art Alexia Guggémos, la réalisation de Buren, sur commande d’Esprimm et sur une proposition de l’architecte Vincent Eschalier , « a su exploiter sa blancheur exceptionnelle pour révéler le hall d’un immeuble résidentiel à Boulogne-Billancourt. » À Isneauville, le street-artiste Lek a imaginé, avec l’architecte Philippe Plouchard et les chercheurs-verriers de Saint-Gobain, des vitraux modernes et colorés par un camaïeu d’orange sur la façade d’un immeuble de bureaux, construit par le promoteur Pierre de Seine. Ces réalisations, entre autres, mettent en lumière l’alliance contemporaine entre deux acteurs habituellement opposés, et le renouvellement des formes artistiques dans l’habitat.

« Dialoguer » indique en second lieu la nécessité d’un espace aménagé par des créateurs pour les habitants. Il s’agit de communiquer avec l’espace et avec la population. De trouver un point de contact entre urbain et nature. C’est le cas de la terrasse de la cafétéria du siège social de Marignan, à Levallois-Perret. Des bancs d’un genre nouveau serpentent dans l’espace et accueillent les visiteurs venus se reposer ou profiter du plein air. « Quand les gens s’approprient l’œuvre, c’est gagné ! », s’enthousiasme la créatrice Nathalie Elemento. L’installation est conçue pour favoriser l’échange dans un environnement urbain appelé à entrer en lien avec un milieu plus naturel. Les autres œuvres se placent aussi dans cette recherche de la conversation, de la « mise en tension » entre plusieurs univers.

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Installation sur la terrasse de la cafétéria au siège social de Marignan, à Levallois-Perret. Conçue par Nathalie Elemento

« Honorer », ensuite, appelle à rendre hommage à l’ancien, à ce qui a été, au passé d’un lieu. « Plusieurs mises en situation tracent ce trait d’union entre une histoire singulière et l’époque contemporaine, rendant hommage aux acteurs du passé pour les générations futures. » selon Alexia Guggémos. Le photographe Sacha Goldberger a imaginé des portraits dans le style Renaissance pour mettre en lien le passé, le présent et le futur. « Rue François-Ier, à Paris, devant l’ancien siège d’Europe 1, des bâches ont été recouvertes de tableaux à la manière de maîtres anciens. Le chantier a fait l’objet d’un projet artistique éphémère appelé Les Compagnons Renaissance. La série de portraits rappelle le prestige du lieu ̧; c’est aussi une action collaborative. » explique Alexia Guggémos. D’autres artistes s’inspirent d’un environnement ancien pour le magnifier, comme l’artiste Pascale Marthine Tayou, qui a pensé une colonne de briques et de pavés colorés et peints à l’endroit où se dressait au XIXe siècle l’ancienne blanchisserie Elis. L’objectif, toujours, est de célébrer à un temps révolu en le rappelant au présent.

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« Les compagnons Renaissance » de Sacha Goldberger et Calq. Paris
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Cristal Cheminée de Pascale Marthine Tayou à Pantin

L’une des autres fonctions de l’architecture et de l’urbanisme, c’est de savoir raconter. Raconter l’histoire du lieu par l’implantation d’habitations ou de structures. La tâche de « scénariser » implique que ces infrastructures aient une « âme », car il ne peut y avoir d’histoire sans personnage. Guggémos explicite : « Donner sa place à une œuvre nécessite de trouver un langage cohérent entre le lieu choisi pour son exposition et le public amené à se l’approprier. Le soutien à cette présence hors des institutions enrichit le cadre de vie, sensibilise à toutes les formes d’expression tout en favorisant le rayonnement culturel et en soutenant la scène artistique contemporaine. Dès lors, pour certains artistes, une scénarisation spatiale s’impose ». Comme l’écrit Victor Hugo, « l’espace efface le bruit ». Dans Elle, l’artiste plasticienne Françoise Pétrovitch convoque la figure d’une petite fille pour donner du mouvement et de la vie à l’immeuble résidentiel de Montreuil, où est dessiné l’œuvre. Celle-ci et toutes les autres dessinent ainsi une autre réalité propre à chacun, singulière et en même temps collective.

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« Elle », une œuvre singulière située à Montreuil et réalisée par Françoise Pétrovitch

La dernière voie de l’architecte et de l’artiste est celle de la surprise. Pour Guggémos, « La surprise relève de deux processus complémentaires, l’interversion et l’inconnu.» Provoquer la curiosité du spectateur, lui donner envie de regarder ce qu’il y a en face de lui, le faire s’identifier et en même temps lui faire voir ce qu’il ne connaît pas, telle est la dernière fonction du créateur. Jeanne, création vidéo de Catherine Ikam et Louis Fléri, représente un visage de jeune femme en constante évolution. L’image, composée de millions de particules, se génèrent et se régénèrent aléatoirement, façonnant une « présence rassurante », selon Catherine Ikam. Cette œuvre et des dizaines d’autres, convoquant le même sentiment et situées à Puteaux, Versailles ou Villefontaine, amène le visiteur à contempler des créations changeantes, surprenantes, nouvelles.

Jeanne Catherine Ikam & Louis Fléri
« Jeanne », à Puteaux, de Catherine Ikam & Louis Fléri.

En explorant ces différents chemins de traverse, les instigateurs de l’ouvrage nous mettent en accord avec un paysage parfois oublié. En reprenant d’anciens mouvements et formes de construction et en magnifiant la réalité, ces initiatives publiques et privées agrandissent le champ d’action artistique et architectural français, tout en invoquant une réflexion sur la préservation du milieu urbain national.

INFOS PRATIQUES

Feuilletez le livre.

Site de l’éditeur

Textes d’Alexia Guggémos, critique d’art – Photographies d’Emmanuelle Blanc, architecte et photographe.

29 €
144 pages
80 illustrations
19 x 26,5 cm

Coédition In Fine éditions d’art / Club 1 immeuble, 1 œuvre

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