Le week-end dernier, du 17 au 20 juillet, les étangs d’Apigné accueillaient le troisième et dernier rendez-vous des Tombées de la Nuit 2014. Avec une programmation diverse et surprenante, la rédaction d’Unidivers revient sur les spectacles et animations qui nous ont marqués, frappés ou amusés.
Rennes est l’une des ville-pionnière de la culture alternative depuis plus de 30 ans. Pas étonnant alors que cette édition des Tombées de la Nuit 2014 compte une programmation musicale. Qui plus est, Apigné sait jouer avec son environnement. Si les spectacles musicaux sont foison à Rennes, les concerts aquatiques sont eux un peu moins courants. Les Tombées de la Nuit ont réussi le grand plongeon ! Trois plongeurs, habillés d’une combinaison saillante bleue et noire, proposent leur Concert’Eau en Do Nageur, un spectacle aquatique innovant et humoristique. Des pommeaux de douche et tubas recyclés en flûtes, des arrosoirs arrangés en sax-eau-phones, des instruments plus loufoques et ingénieux les uns que les autres, chantant en harmonie au contact de l’eau. Même l’élément liquide se mue en un instrument de percussion. Didgerid’eau, percussions et instruments se mêlent à merveille sur des rythmes funk, jazz ou cumbia. Le public en redemande et certains n’hésitent pas à venir rejoindre le trio dans l’eau pas très claire de l’étang… Le trio toulousain a charmé son public au terme d’un spectacle éblouissant et éclaboussant.
Près du moulin, c’est un tout autre spectacle qui se déroule. Devant le cadre superbe qu’offre cette vieille bâtisse, Damien Drouin joue les équilibristes et présente son projet, Boat. Accompagné de Fabrice Bouillon-LaForest, musicien et chanteur adepte des percussions et des cris perçants, le duo offre une nouvelle lecture du poème « Le Bateau ivre » d’Arthur Rimbaud. Voix et percussions accompagnent parfaitement ce numéro d’équilibriste/trampoliniste, mêlant voltige, danse et grâce pour un court voyage poétique.
Si Boat fait la part belle aux vers d’Arthur Rimbaud, d’autres invitent les spectateurs à créer leur propre poésie. L’Ouscrapo – Ouvroir de Scrabblologie Potentiel – laisse libre cours à l’imagination des participants. Un étonnant voyage qui permet à certains de se réconcilier avec la langue de Molière. Car ici, il n’y a ni faute d’orthographe ni erreur de conjugaison. Place à l’invention burlesque et au lexique anarchique afin d’enrichir la langue française de mots nouveaux – avec la définition qui accompagne évidemment. Petit florilège : « Bigsou » alias la version des personnages de Walt Disney, version obèse ; « Vœs », une vis spéciale pour retirer le blanc d’œuf ; « Tinge », lorsqu’un taxidermiste tente une expérience en empaillant la tête d’un singe sur le corps d’un tigre. Ou l’inverse, c’est vous qui voyez ! Allongés sur les transats, les spectateurs profitent du spectacle que propose Bertrand Boulanger, véritable clown, aussi bien linguistique que vestimentaire.
Les rencontres insolites se poursuivent le long de l’étang d’Apigné et de sa base nautique. Et si le centre-ville de Rennes a eu droit à l’étonnante RedBall, boule rouge de cinq mètres de diamètre, Apigné a lui eu droit à sa truie gonflable de neuf mètres de long. Venue tout droit d’Angleterre, celle qu’on appelle Pig propose aux spectateurs, affublés d’une queue en tire-bouchon pour l’occasion, de venir jeter un œil à l’intérieur grâce à sa dizaine de mamelles amovibles cachant un spectacle de théâtre d’objets musical et sans paroles. Sans conteste l’un des succès de cette édition, notamment auprès des enfants étonnés par cet humour british décapant, sauce Monty Python.
Apigné, où le soleil a brillé durant ce week-end, a ainsi accueilli touristes et habitués des lieux. Fumées de barbecues et discussions animées se mêlaient aux ronflements des adeptes de la sieste sur transat. Un univers boisé qui s’y prête parfaitement, mélange de nature et de relaxation. Boisé, c’est justement ce thème qui est mis en avant par l’un des spectacles OVNI de ce week-end : La Cosa. L’artiste italien Claudio Stellato, accompagné de trois complices, se risque à une performance chorégraphique où corps humain et matière naturelle ne font plus qu’un. Les quatre compères nous transportent vers un horizon plus sauvage que la danse contemporaine et plus indéfinissable que la transe. Dans un spectacle où art de la contorsion et du mouvement côtoie humour et stupéfaction.
De l’insolite, on passe à l’intimiste. Les Tombées de la Nuit nous invitent à découvrir d’une autre façon l’univers de l’étang d’Apigné à travers une expérience sonore, casque sur la tête. L’atelier Pas à Pas propose de guider les auditeurs au bord de l’eau et de les immerger dans une redécouverte sensorielle. Un moment seul face à la nature où le spectateur se retrouve sur un chemin de halage, en forêt, au bord d’un lac. On marche, on s’arrête, casque vissé sur la tête. Des pauses acoustiques durant lesquelles bruits de galets ou pas sur la neige testent notre capacité d’écoute et invitent à explorer une autre relation au réel. On découvre ou redécouvre un territoire d’une autre manière. Un moment de calme et de détente bienvenu avant les concerts du soir.
Le ciel s’obscurcit et l’ambiance se réchauffe. Après avoir mangé une pizza et chanté au Quignon sur Rue, la foule se rassemble sous le dôme. Les spectateurs ont pu assister au spectacle étonnant qu’ont proposé Loup Barrow & Olivier Mellano. Ce dernier à la guitare et le premier aux mains d’un instrument plutôt particulier. Moitié xylophone métallique, moitié piano, cet instrument à lames en duo donne un son très expérimental, très particulier et que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Une prestation qui a scotché le public des Tombées de la Nuit, face à cette musique déconcertante et très contemporaine.
Sous un ciel menaçant, la Colombie est à l’honneur avec le groupe Cimarrón. Au-delà de la célèbre cumbia de l’ancienne colonie espagnole, l’ensemble embarque les spectateurs en se faisant porte-drapeau du joropo, style musical né dans les immenses plaines colombiennes mêlant harpe, maracas, guitares et chants traditionnels. Emmené par Carlos Rojas à la harpe et par des virtuoses à quatre cordes et une chanteuse à la voix perçante, Cimarrón envoûte les spectateurs à coup d’improvisation et de rythmes puissants aux accents africains et andalous.
Une ambiance sud-américaine retrouvée samedi soir sous le dôme d’Apigné. Malgré un nom de scène faisant plutôt penser aux côtes scandinaves et aux fjords, Finlandia a réchauffé le public au son de la cumbia, du tango et de la bossanova. Une fusion de sons traditionnels et modernes où l’accordéon, le violoncelle, les claviers et les sons électroniques sont les outils pour ce voyage. Un duo qui donne l’impression d’être dix fois plus sur scène, tant le son puissant des deux musiciens rendent la performance envoutante et frénétique. Une prestation rythmée, chaude et dansante qui n’a pas laissé insensible le public des Tombées de la Nuit, transcendé par un concert qui sent bon la pampa et la cachaça.
Le duo Rockoko a conclu dimanche soir l’édition 2014 des Tombées de la Nuit. Rappelant l’ambiance des fins de soirées sur la plage au coin du feu, Kika Lenfant et Goulven Hamel reprennent en guitare/voix des standards anglo-saxons des années 50 à aujourd’hui. Des Clash à Iggy and the Stooges en passant par Bob Marley et Blondie, le duo acoustique se réapproprie ces classiques où les voix des deux artistes se marient au jeu de guitare et de mandoline rythmé de Goulven Hamel. Un concert au soleil couchant. Idéal pour conclure cette édition des Tombées de la Nuit 2014.
Mathieu Aellen
(photos : Nicolas Joubard)
