Dans le dernier roman de Nina Bouraoui, Bruno Kerjen est un homme… standard. Il fait partie « des mecs qu’on voit sans voir, qu’on fréquente sans aimer ». Il travaille à Supelec comme assembleur de cartes électroniques, un métier touché par la crise économique qui n’est plus rentable avec la concurrence chinoise. Sa vie se passe entre son métier où il n’a aucune ambition, son petit logement de Vitry où il contemple une fantomatique tache noire au plafond, reflet de ses sinistres pensées, et quelques voyages dans sa Bretagne natale pour visiter sa mère veuve depuis peu et son ami d’enfance Gilles, autre célibataire assez rustre et comparse de beuveries.

standard nina bouraoui
Standard de Nina Bouraoui

Sa mère trop attachante et soumise lui a donné le dégoût des femmes et ses activités sexuelles se résument aux conversations pornographiques par téléphone. La méfiance de son père a bridé toutes ses ambitions, suscitant plutôt la honte et la peur de l’échec.

Nina Baraoui construit ainsi à longueur de phrases le portrait d’un antihéros, symbole de la médiocrité des sociétés modernes. Bruno, « handicapé des sentiments » ressasse son pessimisme, travaille pour éviter l’ennui, s’enferme dans la routine pour ne pas être déçu et regrette la seule femme qu’il aurait pu aimer, Marlène, jadis la plus belle fille de son lycée.

« Marlène incarnait encore ses rêves, son désir, lui qui se sentait desséché, éteint de l’intérieur. »

Lorsque Marlène revient en Bretagne, seule avec un enfant de huit ans, sans avoir réussi à devenir la star que sa plastique pouvait lui promettre, Bruno se reprend à rêver. Marlène n’a rien perdu de ses atouts ni de son côté manipulateur et opportuniste.

« Elle faisait partie de ces femmes qui jouaient sur tous les tableaux sans choisir un numéro, mieux valait s’en tenir éloigné. Marlène menait tout droit à la souffrance, c’était un chemin cette fille, un chemin vers un mur, autant s’en défaire avant de s’écraser pour de bon. »

Nina Bouraoui, quitte avec Standard l’univers habituel de son enfance en Algérie (comme dans Sauvage). Elle laisse l’introspection et l’analyse des sentiments au profit d’un récit moderne ancré dans la réalité économique et sociale de notre pays.

Le thème de l’antihéros n’est pas facile à aborder, mais Nina Baraoui parvient à nous intéresser à son personnage. Mais n’eût-il pas mieux valu moins insister sur la vie monotone et solitaire de Bruno et donner une plus large place à la sensuelle et vénéneuse Marlène et à ces retrouvailles fatales ?…

Standard Nina Bouraoui, Flammarion, janvier 2014, 284 pages, 19€

L’auteur :

Nina Bouraoui est une écrivain française née en 1967 à Rennes, d’un père algérien et d’une mère bretonne. Le déracinement, la nostalgie de l’enfance, le désir, l’homosexualité, l’écriture et l’identité sont les thèmes majeurs de son travail. Elle est officier de l’ordre des Arts et des Lettres et ses romans sont traduits dans une quinzaine de langues.

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Standard Nina Bouraoui : Une seule envie nommée Marlène

 

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Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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