Le film Nosferatu de Murnau s’est aventuré à l’opéra de Rennes en compagnie de l’OSB pour un ciné-concert. De fait, depuis 10 ans, les vampires ont le vent en poupe. Mais loin du Nosferatu de Murnau, aujourd’hui, dans la Vamplit et autre Fantasy à destination du YA (young adult, jeune adulte…), ils ont sérieusement changé d’image et la nouvelle génération les préfère musclés, séduisants et éternellement jeunes… Ces nouveaux héros devenus plus ou moins végétariens et sympathiques, comme dans la série Twilight, viennent au secours des vivants en mettant à leur service de fabuleux pouvoirs… Rien ne se perd tout se transforme !

 

En 1919, à la création nosferatu vampire rennesdu film Nosferatu, c’est plutôt la veine du romancier anglais Bram Stoker qui est source d’inspiration. Derrière Nosferatu, le personnage de Dracula se cache à peine. En gros il aura suffi de changer les noms et l’acteur, Max Schreck, d’un coup de baguette deviendra le comte Orlok. À l’époque ce film causera un véritable choc esthétique et sera à l’origine d’une vague de productions reprenant le thème du vampire. Soucieux de réalisme, le metteur en scène ira loin dans ses intentions en allant jusqu’à tourner une partie des scènes en Transylvanie (on en frémit). Pourtant presque un siècle plus tard, ce personnage hâve aux mains démesurées encore allongées par des ongles en forme de serres reste effrayant. Son visage blême aux yeux exorbités ne saurait être plus effrayant s’il avait la parole et c’est en cela que réside la remarquable réussite du spectacle donné à l’opéra de Rennes.

Au-delà de l’aspect visuel, la musique composée par Alexis Savelief va créer un véritable paysage imaginaire et onirique d’une qualité exceptionnelle. L’exacte correspondance des images et des sons installe une dimension quasi magique qui oblige l’auditeur à rester bouche bée, les yeux rivés sur l’écran. L’emploi d’instruments inhabituels et électroniques mis en action par trois personnes dont au moins deux percussionnistes hypnotisent par ses sonorités étranges et belles. Il s’agit non seulement d’un travail bien fait, très professionnel, mais aussi pétri de talent et d’inspiration. Créée au départ pour un octuor de violoncelles, l’œuvre a évolué vers une nosferatu murantformation de huit instruments à cordes. Ce groupe plus réduit, constitué de la crème des instrumentistes de l’Orchestre Symphonique de Bretagne, sera placé sous la houlette du chef Pierre Roullier. Cet ancien flûtiste solo de l’ensemble orchestral de Paris dirigera son groupe avec précision, donnant une interprétation étincelante de l’œuvre d’Alexis Savelief. C’est donc avec surprise que l’on découvre au moment des applaudissements qu’un compositeur bien jeune puisque né en 1987 est capable de nous secouer et de nous imposer le respect avec une musique aux sonorités résolument contemporaines. Nous sommes bien obligés de le reconnaître, parfois rétifs aux curiosités de la musique sérielle ou aux bizarreries du dodécaphonisme que nous impose Marc Feldman, administrateur général de l’OSB, nous avons du cette fois admettre que nous étions totalement sous le charme. Notre facétieux New-yorkais a encore réussi son coup et doit bien rire sous cape, en cela, il a parfaitement raison et réussit à ouvrir nos esprits et notre sens de l’esthétique par d’autres propositions. Évoluer ne peut être néfaste.

Si l’on devait émettre un petit regret, c’est que ce remarquable travail n’aura été proposé au public qu’une seule fois et dans un espace un peu réduit. Peu suspects de ne pas aimer notre salle d’opéra, nous aurions sans doute préféré la salle du TNB pour y recevoir un public encore plus nombreux, cela en valait la peine. Nosferatu, autrement dit, du latin nox la nuit et feratu, du verbe fero, fers, fere, tuli, latum ; porter : celui qui est porté par la nuit nous aura emmenés jusqu’à l’extase.

Nosferatu le vampire, Ciné-concert, Orchestre Symphonique de Bretagne, 13 février 2016

 

 

alexis saveliefAlexis Savelief : Alexis étudie dès l’âge de sept ans, le violoncelle puis le piano. Premier Prix de violoncelle en 2003, deuxième Prix du Prix Régional de Picardie (PRICEM) en 2002, Prix du Cycle Supérieur en 2010, diplômé du Département de Formation à l’Orchestre en 2011 puis de Musicien d’Orchestre au Centre de Formation des Musiciens d’Orchestre (CFMO — Orchestre-Atelier OstinatO) en 2013. Parallèlement à ses études instrumentales, Alexis suit dès l’âge de onze ans des cours d’orchestration et de composition avec le compositeur Bernard Cavanna. Il est l’auteur de diverses pièces, dont un cycle pour grand orchestre. En 2006, sa musique pour le film muet de 1921 Nosferatu, Une Symphonie de l’Horreur de Friedrich Wilhelm Murnau, est créée en ciné-concert par l’Ensemble 2e2m et l’Octuor de Violoncelles de Beauvais sous la direction de Pierre Roullier lors des Rencontres d’Ensembles de Violoncelles de Beauvais, avant d’être reprise en 2011 par un ensemble orchestral sous la direction de Jean-Louis Forestier. En 2007, Alexis adapte pour le concert sa partition sous la forme d’une Suite pour grand orchestre, créée en 2008 sous la direction d’Alexandre Grandé. Il écrit actuellement un concerto pour Cristal Baschet et orchestre pour Michel Deneuve, dont la création est prévue en 2016.

Passionné par les instruments rares, Alexis s’intéresse au Cristal Baschet. Il joue du Waterphone MegaBass de Richard Waters, instrument pour lequel il a développé un « Guide de Notation », ainsi que sur des gongs Paiste et Tone of Life. Toujours curieux d’innovations, il explore de nouvelles possibilités au violoncelle avec un archet courbe BACH.Bogen. Alexis est par ailleurs créateur d’un logiciel de timing dédié principalement à la génération de flutters, punches and streamers (méthode de synchronisation employée en musique de film). En 2010, en collaboration avec son cousin Guillaume Tristant, Alexis échantillonne un Waterphone Aquasonic Super Mondo pour en faire un instrument virtuel : « Watunlib »

**********

friedrich wilhelm murnauFilm mythique du cinéma muet allemand, Nosferatu a été réalisé en 1921 par Friedrich Wilhelm Murnau. Rappelons le début du synopsis : en 1838, à Wisborg, en Suède, Hutter est marié à Ellen. Hutter est envoyé par son directeur dans les Carpates afin de rencontrer le Comte Orlock (Nosferatu), désireux d’acheter une maison à Wisborg. Arrivées sur place, les personnes de la taverne lui déconseillent de rendre une visite tardive au comte. Dans sa chambre, il feuillette le livre consacré aux vampires. Le lendemain, il se rend à la demeure du comte qui lui offre à dîner. Hutter se coupe. Il se réveillera avec deux morsures à son cou… Le Monde ne sera sauvé que par la pureté de la femme de Hutter. Le nom des personnages et des lieux diffère entre les versions allemande et française.

 

Article précédent2016-2023, Renouvellement de l’opération Rennes centre ancien
Article suivantDans Babybatch Isabelle Coudrier évite sa moderne solitude
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici