Encore une chronique où les oxymorons vont pleuvoir – ils sont parait-il redevenus à la mode ! D’emblée, disons le tout net : Mark Lanegan (ex-Screaming Trees) n’est pas à la mode. Son blues-électro baudelairien (les fleurs si significativement désuètes de la pochette renvoient-elles à celles « du mal »?)  ne peut rien inspirer de bon aux esprits prédateurs aux aguets des dernières tendances. Funeral Blues respire quelque chose d’apocalyptique : chaque chanson est comme un ciel qui se déroule, comme ces cieux que nous croisons dans nos vies,  en feu ou glacés d’indifférence.

De l’électricité roide et blues métallique de The Gravedigger’s song à la prière folk aux cordes  hallucinée de Leviathan en passant par le faux dépouillement hypnotique et désertique de Bleeding Muddy Water, un voix profonde et rocailleuse nous entraîne. Où ?  Au long d’une ballade meurtrière sur des sentiers de cinabre au-dessus des plaines écrasées par un soleil si brûlant qu’il ne réchauffe plus. Au fil de tranchantes arrêtes rocheuses d’un gris si profond qu’il ne suscite pas l’ennui mais révèlent une beauté insondable, forcément nostalgique…

Tiny Grain of truth, le dernier titre de l’album résume admirablement cette œuvre subtile. Lanegan a creusé au plus profond les multiples courants de la musique moderne pour remonter (laborieusement ça ce sent dans cette voix à la paradoxale chaleur sépulcrale) quelques pépites quintessenciel. Leurs reflets, sous un ciel d’une lumière agressivement pâle, reflètent un blues profondément stigmatisé mâtiné d’un « rauqe’n roll » singulièrement postmoderniste industriel (Ode to sad disco a même un petit côté Visage et certains arrangements font sonner la voix de Lanegan comme un Bredan Perry de Caroline du Sud…)

Mark Lanegan sera présent cette année lors de La Route du rock. Espérons que les cieux à ce moment sauront se montrer généreux.  Comme ces nuances musicales faites d’une nostalgie torturante qui à la particularité de rendre plus joyeux, comme un sain exercice d’exorcisme.

Thierry Jolif

Mark Lanegan band, Funeral Blues, 4AD

1. The Gravedigger’s Song
2. St. Louis Elegy
3. Riot In My House
4. Harborview Hospital

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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