Conférence aux champs libres dans le cadre des mardi de la Science avec Vincent Jullien, historien des sciences et spécialiste ès Tintin. Durant deux petites heures, il a tenu en haleine son auditoire en évoquant l’histoire de Tournesol et de ses petits amis. Un grand moment pour les passionnés du reporter à la houppette blonde.

Vincent Jullien n’aime pas Tintin chez les Soviets, chez les Picaros ni chez les Américains, encore moins Vol 714 pour Sydney. En revanche, il a décortiqué – que dis-je, étudié de près – les vingt autres albums sous le prisme de la science. Pour ainsi dire, il n’a pas bullé…allant à la recherche de savants parfois à la limite de la folie. « Ils ne sont jamais fous, » contredit-il. « Ils le deviennent simplement quand ils reçoivent une fléchette empoisonnée. C’est le cas de la Philémon Silicone dans les Cigares du Pharaon. »

« Moi parti dans l’espace »

Parfois, les scientifiques perdent tout de même le sens commun. Dans Objectif Lune, Tournesol crie à la catastrophe lors du décollage de sa fusée. « Ce serait affreux si je m’étais trompé dans mes calculs… ». L’angoisse n’est pas dans la peur de mort, mais tout simplement dans l’erreur mathématique… En revanche, l’homme des sciences est toujours « moral ». Le meilleur exemple en est le professeur Fan Se Yang dans Le Lotus bleu ou encore l’ingénieur Wolf dans On a Marché sur la Lune. Ce dernier a quand même le cran de sauter dans l’espace après avoir trahi le capitaine Haddock et sa troupe. « Moi parti, » écrit-il à ses camarades.

Toutefois rien de moral dans la version 1941 de L’étoile mystérieuse. Tintin, Hippolyte Calys et leurs amis partent en mission « sponsorisée » par le Fond européen de recherche scientifique. En revanche, l’équipe concurrente est soutenue par les Américains et un financier « juif »  qui deviendra «hollandais » dans la nouvelle version d’après-guerre.  Mais le mal était fait…

Les autres neutrons, que deviennent-ils ? interroge Tournesol. « Je suis inquiet à leur sujet, » répond Haddock

Loin d’être un fainéant, le scientifique, dessiné par Hergé, est représenté sous les traits d’un homme studieux, maniant la loupe et utilisant le bloc-notes. C’est le cas dans Le sceptre d’Ottokar de Nestor Hallambique. Malheureusement, dans les albums d’Hergé, la science est parfois dangereuse pour ses pratiquants. Dans Les Cigares du Pharaon, les égyptologues ne sont pas à la fête dans leur sarcophage. Ils sont placés l’un à côté de l’autre à jamais enrubannés pour l’éternité.

À l’époque d’Hergé, le scientifique est polyvalent, capable d’être naturaliste, géographe, astronome… En revanche, il a du mal à se faire comprendre. Pour s’en convaincre, il faut relire le dialogue surréaliste entre Tournesol et le capitaine Haddock dans Objectif Lune. « Les autres neutrons, que deviennent-ils ? » s’interroge le premier. « Oui, je suis inquiet à leur sujet, » lui répond le second…

Science et conscience…

Les fans l’auront compris, Hergé se moque parfois des scientifiques et de leur côté bien souvent obscur. Il préfère même à la vérité scientifique les fausses sciences. Tournesol maniant le pendule et les visions de Foudre bénie dans Tintin au Tibet sont traitées ironiquement, mais, notons le, Hergé n’est jamais très loin de les prendre au sérieux.

À la lumière des recherches érudites de Vincent Jullien, les scientifiques deviennent des savants polyvalents, un brin fous mais toujours au service du bien. On a de la tendresse pour eux, un peu moins pour les sciences parfois laissées entre les mains des terribles Bordures. Mais quel délice de retrouver ces hommes de la science aux noms étranges (Hallambique…) et aux prénoms parfois surannés ! Une conférence à redonner…

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