A Lorient, lors du Festival Interceltique voici quelques jours qu’on ne les entend plus les cris des goélands. Et on ne les entendra pas encore avant quelques jours. Non pas qu’ils aient disparu. Oh non ! Encore que, effrayés, certains aient pris le large car un bourdonnement incessant, fier et entêtant, a envahi la ville. Bombardes, binious et cornemuses sont de retour au pays de Lorient ! Le Festival Interceltique a repris ses quartiers, la Cornouaille et l’île de Man furent à l’honneur, pour une édition déjà couronnée de succès.

624ecbe2-2590-a75b-bc9f6ad843ce8cfeDès le vendredi 7 août, une foule immense et bigarrée écume les rues de Lorient. Pour sa 45ème édition, l’incontournable manifestation celtique ne désemplit pas. Pour preuve, dimanche dernier, ce sont pas moins de 70 000 personnes qui se sont amassées pour assister à la Grande Parade des Nations Celtes. Des Kilt par ici, des coiffes bretonnes par là, mais aussi de simples touristes aux chapeaux du Télégramme, on a rarement vu telle foule à Lorient. Surtout on a rarement vu autant de curieux, venus de toutes la France, même d’Allemagne ou d’Italie traîner leurs guêtres avec les bretons et leurs cousins celtes. Et c’est peu dire que les stands de crêpes, et autre gâteries ont été pris d’assaut. Côté organisation, jour et nuit, on ne compte pas les heures. Mais on est comblé. Cette année, plus encore peut-être que les précédentes, le festival prouve à quel point l’interceltisme met l’accueil et le partage au centre de ses valeurs. Certes, quelques sacrilèges et profanations sont encore à déplorer (« De la moutarde dans la crêpe, s’il vous plaît ! »… De la moutarde ?! Dans une crêpe ?) Mais qu’importe le plaisir est là, de faire découvrir, d’assouvir les curiosités, de présenter le monde celtique et sa diversité.

Une tente acadienne qui ne désemplit jamaisIl serait arrogant de prétendre rendre en quelques mots toute la densité du patrimoine celte qui a toujours su toucher tous les arts et jamais ne délaisser aucun art de vivre. A Lorient, il se décline à volonté, à travers une opulence évènementielle rare. Aujourd’hui des cours de broderie, hier une exposition d’art celte contemporain, demain dégustation des produits d’ailleurs et d’ici, et tous les soirs sous les chapiteaux des nations celtes pour des concerts enfiévrés (si si, enfiévrés, essayer de danser plus deux heures aux rythmes d’un violon acadien, vous verrez !). Pour rappel, si vous deviez un jour vous rendre au Festival Interceltique de  Lorient et on ne saurait trop  vous le conseiller, on y retrouve l’Ecosse, l’Irlande, la Cornouaille, l’Île de Man, le Pays de Galles, l’Acadie, la Bretagne, la Galice et les Asturies, sans oublier les innombrables peuplades celtes qui ont se sont installées un peu partout dans le monde. A l'interceltique, on boit aussi à la corne !Chacune avec ses propres légendes, sa musique et ses traditions. Autant vous dire que même les celtes entre eux n’en finissent pas de se découvrir ! Quelle surprise de voir chanter un tango en gallois par un membre de la communauté galloise de Pentagonie ! Le Festival Interceltique, c’est aussi ça ! Empêcher que les traditions celtes, d’où qu’elles viennent, ne survivent qu’en vase-clos. A Lorient, elles s’ouvrent au monde comme elles s’ouvrent les unes sur les autres. Elles se rencontrent partagent, échangent et collaborent ensemble. Et quel plus bel exemple que la mise à l’honneur cette année de deux nations celtes, la Cornouaille et l’île de Man ? Si elles ont chacune leurs caractères et leurs propres traditions, leur collaboration somptueuse – lors de la soirée d’ouverture comme pour les Nuits Magiques – restera dans les annales du festival. Ce samedi au Grand Théâtre de Lorient, la voix envoûtante de la manxoise Ruth Kiggin, les pérégrinations folk de Barrule et les ritournelles cornouaillaises de Dalla ont définitivement fait l’unanimité.

Il y a foule ce dimanche au village celteAvec le Festival Interceltique, jamais les traditions n’ont été aussi vivantes, jamais elles n’ont suscité un tel engouement, pour les redécouvrir mais aussi pour les faire vivre et y prendre part. Sans aucun doute, la relève est assurée. A Lorient, tous, jeune et moins jeunes montent sur scène pour défendre leurs couleurs ou sur les gradins pour en apprécier la valeur, quand ils ne sautent pas franchement au rythme des violons. Entre les stands, les savoirs se transmettent comme les envies d’essayer, entre musiciens et chanteurs, brodeurs et cuisiniers. Nulle part ailleurs mieux qu’à Lorient se concentrent les clichés sur les nations celtes, mais c’est sous leur plus beau jour qu’ils se dévoilent, celui des traditions qui ont gagné la modernité et ne la quitteront plus jamais. Car quoiqu’en laissent penser les bandes F.M pop aseptisées, la musique traditionnelle n’est pas une musique du passé. Elle est au contraire on ne peut plus moderne et contemporaine. La musique celtique, quand elle ne puise pas dans son propre répertoire, s’agrippe à tous les genres, du jazz au métal, en passant par le tango. Le Bagad de Vannes sur M6 l’avait déjà prouvé. On aura encore pu le voir à Lorient cette année avec des groupes comme Lunch Noazh ou Brieg Guerveno, ou des expériences inédites comme la Battle entre le Red Bull Boom Bus et le Bagad de Lorient. Immense succès de ce premier week-end, l’expérience Bagad/DJ, mêlant beats frénétiques des platines et tonnerre des sonneurs, a véritablement enflammé le Breizh Stade, nouvel espace du festival.

Au fond, ni traditionnels, ni modernes, c’est intemporels que sont devenus les paysages grandioses des cornemuses, les danses frénétiques des irlandais, les violons entêtants des acadiens et le fracas bourdonnant des bagads de Bretagne. La musique celte a le goût du sel. Elle respire le ressac et l’écume, fait s’entrechoquer pintes de bière et verres à whisky, s’arrête seulement pour que résonnent les rires francs le long des comptoirs bondés. C’est une musique fière, parfois hantée, parfois épique, aux milles accents et autant d’histoires à raconter. C’est le tourbillon sonore enivrant qui envahit Lorient chaque année, et auquel vous êtes conviés. Damné soit celui qui n’y tape pas du pied !

Article précédent15 août et Assomption de la Vierge Marie, les visions divergent
Article suivantKitchen music au Festival Interceltique, humour et cornemuse
Thomas Moysan
Thomas Moysan est rédacteur en chef des Décloitrés, revue biannuelle de Sciences Po.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici