Pressenti pour le prix Nobel de littérature 2015, Don DeLillo n’a pas été couronné. L’Académie suédoise lui a préféré Svetlana Aleksievitch. Reste que l’auteur new-yorkais sera à l’honneur en 2016. Récemment lauréat du National Book Award pour l’ensemble de son œuvre et sa contribution aux lettres américaines, Don DeLillo assistera en février à Paris à un colloque organisé par les éditions Actes Sud qui publie en français ses romans, nouvelles et pièces de théâtre.

 

Son prochain roman, très attendu par les admirateurs de l’écrivain, paraîtra en mai 2016 aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il s’appelle Zero K. Si l’on en croit les médias anglo-saxons, l’histoire tournerait autour de Ross Lockhart, millionnaire, et sa femme, plus jeune mais malade, Artis Martineau, une histoire sur la mort et l’immortalité, la technologie et la biomédecine. Retour sur l’œuvre d’un écrivain contemporain incomparable.

Réception, americana et contemporanéité

americanaS’il peut paraître laborieux, au départ, de pénétrer l’univers romanesque de Don DeLillo, c’est peut-être qu’il confère au lecteur un rôle herméneutique capital dans l’expérience littéraire. L’obscurité de l’œuvre, en rien, n’est gratuite. Si l’on doit considérer DeLillo comme un auteur postmoderniste – nous y reviendrons –, il est nécessaire de dissocier son travail de l’obscurité kabbalistique et paranoïaque d’un Thomas Pynchon, ou du délire ludique et intertextualisant d’un Percival Everett. L’écriture delillienne, laquelle culmine dans Point Omega, confine à une clarté profonde, une complexion minimaliste, qui n’est ni étrangère à l’évidence de l’image cinématographique, ni à l’humilité qu’il semble éprouver, comme écrivain, face au mystère de l’expression.

En 1971, Don DeLillo a trente-cinq ans et vient de publier son premier roman, Americana. Clairement, c’est un texte programmatique, si l’on considère la suite de son œuvre. Non seulement nous y trouvons en germe les motifs qui reviendront – le commerce conflictuel en même temps que nécessaire entre le texte et les images, l’opposition entre la surexpression de la mégalopole et le minimalisme du désert, le cinéma, la récupération de la culture ou de la mémoire historique par le marché, etc. – mais la référence générique du titre nous apprend aussi deux choses sur l’œuvre romanesque de Don DeLillo. Si elle projette de traiter la culture d’un pays, elle entend surtout prendre la mesure des structures, par exemple narratives, dans laquelle cette culture s’élabore et se répand. On retrouve par ailleurs ce décalage parodique, toujours avec subtilité, dans un roman comme End Zone, paru en en 1972, qui emprunte délibérément à la structure du campus ou du sports novel. L’Americana est le nom donnée à une partie de la culture américaine, musicale autant que cinématographique, laquelle s’attache à transcrire une Amérique populaire, rurale et à en transmettre les valeurs prédominantes, notamment le concept capital de border, de frontière. don delilloDeLillo ne s’inscrit dans ce mouvement que de manière parodique, c’est-à-dire qu’il écrit à côté de ce genre artistique. Contrairement à Cormac McCarthy, l’auteur génial de La route ou du Méridien de sang, DeLillo écrit essentiellement sur la société contemporaine, ce qui ne l’empêche pas d’en décrypter aussi les survivances culturelles. Ses romans, sauf en de rares occasions, situent le déroulement de l’action approximativement à l’époque de leur publication. Ainsi, son œuvre nous parle tout aussi bien des médias, dans Bruit de fond, que de l’assassinat de Kennedy (Libra), de la guerre froide (Outremonde), du 11-septembre (L’homme qui tombe) ou encore de la guerre en Irak, dans son dernier roman, Point Omega. Pour autant, il serait trop simple de considérer DeLillo comme un auteur contemporain, actuel, réaliste à la limite du documentaire, ou simplement romancier historique. Si l’on emprunte à Agamben son idée selon laquelle « celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni d’adhère à ses prétentions, et ne se définit pas, en ce sens, comme inactuel », on peut soustraire de l’œuvre delillienne quelques caractéristiques déterminantes. S’il est contemporain, DeLillo, en un sens, est inactuel. Pour y répondre, nous partirons de trois perspectives essentielles de son œuvre : le projet historiographique développé ; puis, la réflexion romanesque et philosophique sur le temps ; et enfin, les relations que l’écriture entretient avec les images, particulièrement le cinéma.

Libra, underworld. dietrologia et counternarrative.

outremondeDon DeLillo formule, dans le paratexte de Libra, dans plusieurs articles mais aussi au sein du roman Outremonde, une conception de son projet historiographique. Il entend tout d’abord « remplir les vides, les lacunes de l’histoire », et pour ce faire, propose plusieurs notions. Dans Outremonde, l’un des personnages parle de la dietrologia, « la science de ce qui est derrière quelque chose, derrière un événement ». De même, il parle dans un article de « counternarrative », que l’on pourrait traduire par contre-récit. DeLillo n’est certes pas le seul à considérer le travail romanesque comme entreprise de réécriture historique. L’écriture souterraine de l’histoire, tout autant que l’écriture de l’histoire souterraine, occupe une place importante dans l’histoire du roman, considéré comme genre historique par excellence.

DeLillo, particulièrement dans son roman Outremonde – chef d’œuvre de la littérature de la fin du XXe siècle – parvient à donner un tour littéraire impressionnant à son projet d’écriture de l’histoire. Face aux fictions étatiques, il construit un roman-fleuve qui court de 1951 jusqu’à 1992 et traverse la guerre froide. Les motifs du souterrain, de l’outre-monde ou du déchet sous-tendent le courant idéologique qui traverse l’histoire officielle, institutionnalisée, et dont l’écriture romanesque écrit le verso, les vies infimes. Plus tard, dans Mao II mais aussi dans L’homme qui tombe, DeLillo réussit le pari littéraire de situer l’entre-deux d’une réflexion sur le terrorisme qui échapperait et au complot – ersatz simplifié du plot romanesque, dont il est en quelque sorte le frère ennemi – et à la fiction de l’État. Ce ne sont plus les tours, les tours du World Trade Center, qui tombent, mais bien l’homme. L’incipit du roman le prouve : DeLillo choisit d’éloigner son personnage des Tours, dont il sort, pour le conduire en périphérie de l’événement.

Dans son dernier roman, Point Omega, la réflexion sur l’événement et l’histoire prend un tour autrement plus philosophique. Cet universitaire à la retraire, Richard Elster, qui a participé à la conceptualisation de l’intervention américaine en Irak, discourt à propos du point Oméga, la théorie de Teilhard de Chardin qui désignerait un stade ultime de la conscience. À l’avènement succède l’événement, la disparition tragique et inexpliquée de sa fille. L’histoire, dans son œuvre, est essentiellement déceptive, parce qu’elle demeure une chose inexpliquée, incontrôlable. En cela, DeLillo est un auteur dit postmoderniste, non au sens d’une lucidité ou d’une réflexivité permanente de l’écriture envers elle-même, mais dans la mesure où il se situe dans ce que Lyotard appelle « une anamnèse du projet moderne », s’entend, une réflexion sur les raisons de sa chute ou de son dévoiement.

point omegaSi les romans de Don DeLillo peuvent paraître compliqués à la lecture, c’est peut-être parce qu’ils mobilisent des réflexions sur le contemporain – un temps simultané ou presque à l’écriture, donc difficilement perceptible ou distanciable – qui plus est, des réflexions d’ordre philosophique, sociologique ou encore géopolitique. Florian Tréguer, professeur d’université au département anglais de Rennes 2, spécialiste de l’auteur, écrit que « c’est l’avis d’une certaine critique américaine pour laquelle DeLillo est avant tout cultural critic ». Cela expliquerait son succès prolifique auprès du milieu universitaire. S’il est vrai que DeLillo est éclairant pour la compréhension de notre modèle de société, il est avant tout un romancier, et non avant tout un cultural critic. Disons plus simplement que son projet historiographique et son écriture de l’événement trouvent leur sens dans la configuration particulière de la poétique romanesque ou du style de la phrase delillienne. Point Omega, par exemple, est structuré hypermédialement autour de la vidéo de l’artiste contemporain Douglas Gordon, 24 Hour Psycho, laquelle impose à l’écriture une décélération et une contemplation toute philosophique. Le travail sur la voix narrative, pareillement, permet au roman de contraster, par exemple dans L’Homme qui tombe, le point de vue d’une new-yorkaise suite au traumatisme du 11-septembre et celui de l’un des terroristes présents dans l’avion. L’événement du 11-septembre, dans l’incipit, donne lieu à une prose parataxique, syncopée, polyphonique, qui configure avec une grande efficacité technique le chaos de l’attentat. Les remarques seraient nombreuses.

Don DeLillo a connu avec l’adaptation cinématographique de son roman Cosmopolis par David Cronenberg une reconnaissance plus ample auprès du lectorat français. Si le film possède des qualités indéniables, la retranscription fidèle des dialogues peut l’avoir rendu un peu bavard. Roman sur la crise, sur le capitalisme financier – roman, surtout, sur le temps – Cosmopolis donne à voir toute une galerie de personnages experts – Florian Tréguer parle à raison de « fictions d’experts ». Si leurs discours sont parfois géniaux – voir notre sélection de citations, en fin d’article – il serait erroné de les considérer comme des vérités directement issus de la plume de leur auteur. L’ironie sous-jacente de l’écriture sait encore une fois créer un entre-deux dans lequel le discours de ces personnages se tient sans cesse entre vérité et grandiloquence.

Des romans sur le temps

cosmopolisLe roman comme genre particulier de la durée ne peut que difficilement faire abstraction du temps. Plus les romans avancent, plus DeLillo se concentre sur la notion. Certes, Cosmopolis parle de capitalisme, et L’Homme qui tombe de terrorisme. En cela, DeLillo pourrait sembler actuel, au sens péjoratif du terme. Les romans sur le 11-septembre et la crise financière ne cessent pas de paraître. Là où DeLillo serait inactuel, au sens où pourrait l’entendre Agamben, c’est précisément dans l’écart que sa fiction créée entre les événements, reconnaissables, et les discours qu’elle produit à leur propos. Quand il parle de capitalisme ou de terrorisme, Don DeLillo parle essentiellement de temps. Point Omega culmine dans ce projet – projet qui occuperait véritablement son œuvre dans les années 1990 et 2000 – en ceci que la guerre en Irak est un bruit de fond. Le roman se déroule au MoMA et dans un désert américain. Le narrateur et Richard Elster dissertent sur le temps géologique, le point Oméga, l’extinction, la trahison des mots. L’histoire n’est pas évacuée : elle est écartée, pour être mieux réfléchie.

Il serait presque possible de considérer les trois derniers romans, Cosmopolis sur une crise financière, une révolte contre le capitalisme, L’Homme qui tombe sur le 11-septembre et Point Oméga, historiquement, sur la guerre en Irak, comme une sorte de trilogie sur les relations de notre extrême-contemporain au temps et à la temporalité. Eric Packer, le golden boy richissime de Cosmopolis, a tout de l’avant-gardiste visionnaire et figure, par métonymie, le dévoiement ou la sécularisation du capitalisme financier en tant qu’il agit en éclaireur. Technologiquement, il est en avance sur son temps.

don delilloPoint Oméga, au même titre que Body Art, est un des romans les plus minimalistes et les plus philosophiques de Don DeLillo. Don DeLillo confessera dans une entrevue, en 2010, que le temps est « une chose avec laquelle [il] deale depuis quelques livres ». En effet, son roman Cosmopolis, paru en 2003, abordait déjà les thématiques du temps et de la temporalité. Le temps, devenu infinitésimal, devenait aussi immesurable et, appliqué scientifiquement et technologiquement sur les marchés financiers, intimait le monde à fonctionner selon une temporalité mue par l’accélération et l’innovation. Les terroristes, en revanche, souhaiteraient, selon les mots de notre auteur, ramener le passé. D’où – et le 11 Septembre en constituerait de fait un symptôme – une tension produite entre des temporalités qui rentrent en choc, l’une orientée vers le passé et l’autre vers le futur.

Si donc les problématiques liées à la temporalité, à la modernité et la postmodernité comme au présentisme, ont été largement traitées dans Cosmopolis ou L’Homme qui tombe, le roman Point Omega semble pousser la réflexion plus loin encore en étendant la problématique à des questions d’ordre ontologique. En somme, DeLillo aborde la question de savoir ce qu’est le temps, comme nous pouvons le lire dans son entrevue avec Kapriélan :

« Est-ce que le temps relève d’une construction humaine, est-ce nous qui construisons l’idée du temps qui existe dans notre conscience et tout autour de nous, ou est-ce possible d’imaginer un monde où le temps serait différent […] ? »

La question est méditative, voire philosophique, et n’est pas sans nous rappeler les interrogations de Saint Augustin lui-même – que Benno Levin cite, par ailleurs, dans le roman Cosmopolis. Le fait est que DeLillo est publié, en décembre 2001, un essai intitulé In the ruins of the future qui conditionnait et anticipait les trois romans à venir, à savoir Cosmopolis, L’Homme qui tombe et Point Omega, doit nous alerter quant au commerce qui se fait, dans son œuvre, entre le littéraire et le philosophique. D’autant plus que, dans son entrevue avec Kapriélan, il confesse :

« Je n’arrêtais pas d’aller la voir au musée d’Art Moderne [la vidéo de Douglas Gordon]. À ma quatrième visite, j’ai su que j’allais écrire dessus – pour faire un essai, il aurait fallu que je sois philosophe, donc j’ai bifurqué vers le roman. Je vois cette vidéo comme une étude sur le temps et mon livre est devenu un travail autour du temps et de la perte ».

Le choix générique du roman est le produit d’une bifurcation par rapport à la philosophie, à l’essai philosophique. Si anodine parait-elle, cette remarque nous montre la primauté de la philosophie en ce qui concerne une étude ou un travail sur le temps. Inversement, l’élection du roman est elle-même significative. Rappelons la thèse de Paul Ricœur comme quoi « la spéculation sur le temps est une rumination inconclusive à laquelle seule réplique l’activité narrative ». Ricœur commence en premier lieu par Saint Augustin et son aporétique du temps, qu’il confronte à Aristote et la mimesis. Pour Ricœur, l’activité mimétique est « une imitation créatrice de l’expérience temporelle vive par le détour de l’intrigue ». Or, cette intrigue, qu’il traduit par muthos – et non pas par histoire, pour des raisons terminologiques – correspond à « l’agencement des faits en système ». Ainsi le muthos parvient à faire concorder ce qui est discordant, en l’occurrence l’expérience temporelle.

Le texte et les images. La littérature en creux.

body artLa configuration du temps, mais aussi conjointement de l’événement, passe souvent dans les romans de DeLillo par des emprunts, référentiels, narratifs, poétiques, stylistiques, au cinéma, ou plus largement aux images. On sait, avec Point Oméga, Cosmopolis ou encore Body Art, que DeLillo accorde une place prépondérante à l’art contemporain dans son œuvre romanesque. Depuis Americana, qui se présentait comme un road-movie qui ne sera jamais tourné, le cinéma est l’autre de son œuvre. Il convient de noter, dans ses influences, des cinéastes tels que Mekas, Antonioni ou encore Ozu. Godard aussi, avec qui DeLillo partage entre autres cet usage de la disjonction entre la voix et les images.

Dans les années cinquante, Jean-Luc Godard, alors critique aux Cahiers du cinéma, tente de légitimer le cinématographe par et contre la littérature. La critique du fait littéraire, en vérité, passe par une déhiérarchisation des arts : l’utilisation, même critique, même problématique, de l’écriture comme premier moyen d’expression, puis comme références intermédiales dans son œuvre filmique, le prouve. Néanmoins, le soupçon envers la littérature, et plus généralement le texte, ne cessait pas de planer. Il serait aisé, dans cette perspective transmédiale, de voir dans l’œuvre de DeLillo un mouvement inverse à celui de Godard : non plus de la littérature vers le cinéma, mais du cinéma vers la littérature, qui ferait de facto un emprunt à son cadet. L’écriture delillienne emprunterait au cinéma, notamment à celui de la Nouvelle Vague ou du Néoréalisme, des techniques autant que des thématiques. La question d’une relégitimation du littéraire par le cinématographique pose certes plusieurs questions, entre autres, celle de savoir si ce phénomène procède d’un essoufflement (du modernisme et du haut-modernisme), et donc, constitue le symptôme d’un postmodernisme. De même, il s’agirait de comprendre si ce renversement se trouve être conjoncturel, pris dans un contexte culturel et intellectuel précis, ou s’il recoupe l’idée plus vaste d’une hiérarchie des arts.

don delilloS’il est clair que DeLillo utilise le médium cinématographique pour renouveler son travail romanesque, celui-ci ne lui est pas subordonné, bien au contraire. Les images cinématographiques moins que les images médiatiques – pensons à l’épisode de la grange la plus photographiée du monde – conditionnent en un certain sens la représentation que ces personnages se font du monde. Les romans delilliens prennent la mesure des structures iconographiques dans lesquelles l’individu évolue. Si la littérature, dans son œuvre, et particulièrement la figure fictive de l’auteur – pensons à l’homme de chiffres, et non de lettres, dans Great Jones Street – sont présentées comme déclassées, déceptives, le pouvoir du texte se dessine néanmoins en creux des romans. À la réflexion ontologique sur ce qu’est la littérature, notamment sa part mystérieuse, succède une réflexion sur l’épistémologie, s’entend, les conditions de possibilités du médium littéraire, principalement à notre époque. En somme, à l’évidence de l’image répond un surinvestissement du verbe. Là se trouve peut-être l’importance de DeLillo dans la littérature dite contemporaine : s’appuyer en amont sur les images, ne rien concéder ni à l’iconoclasme, ni à la réductibilité du texte au cinéma, à la photographie, au dessin, mais plutôt les traiter de manière purement littéraire et simultanément, d’éclairer leur impact et la place de l’écriture à notre époque.

Ses romans, mais aussi ses nouvelles et ses pièces de théâtre, sont riches en réflexion littéraire, philosophique ou encore sociologique. Nous n’avons parlé ici que de l’histoire, de l’événement, du terrorisme, du temps et des images. Son œuvre demeure inépuisable et offre, rappelons-le, un incroyable plaisir de lecture. Nous attendons Zero K ainsi que le reste de ses nouvelles encore non traduites avec impatience.

Bibliographie sélective

– DeLillo Don, L’Ange Esmeralda, Paris, Actes Sud, (Babel), 2013, (traduction Marianne Véron).
– DeLillo Don, Point Omega, Paris, Actes Sud, (Babel), 2010, (traduction Marianne Véron).
– DeLillo Don, Cosmopolis, Paris, Actes Sud, (Babel), 2003, (traduction Marianne Véron).
– DeLillo Don, L’Homme qui tombe, Paris, Actes Sud, (Babel), 2008, (traduction Marianne Véron).
– DeLillo Don, Outremonde, Paris, Actes Sud, (Babel), 1999, (traduction Marianne Véron).
– DeLillo Don, Mao II, Paris, Actes Sud, (Babel), 1992, (traduction Marianne Véron).
– DeLillo Don, Bruits de fond, Paris, Actes Sud, (Babel), 1985, (traduction Michel Courtois-Fourcy).
– DeLillo Don, Les Noms, Paris, Actes Sud, (Babel noir), 2008, (traduction Marianne Véron).
– DeLillo Don, Libra, Paris, Actes Sud, (Babel), 1988, (traduction Michel Courtois-Fourcy).
– DeLillo Don, Americana, Paris, Actes Sud, (Babel), 2000, (traduction Marianne Véron).

Une sélection de citations exemplaires et passablement croustillantes :

« Je voulais une guerre haïku, dit-il. Une guerre en trois vers. Aucun rapport avec l’état des forces en présence ou de la logistique. Ce que je voulais, c’était un assemblage d’idées ayant à voir avec des objets éphémères. Telle est l’âme du haïku. Tout dénuder, tout rendre visible. Voir ce qui est là. À la guerre, les choses sont éphémères. Voir ce qui est là et puis se tenir prêt à le voir disparaître ».
Point Oméga.

« La porte s’entrouvrit et un lointain bruit d’activité à l’autre bout de l’étage se fit entendre, des gens qui prenaient l’escalator, un caissier qui passait une carte de crédit, un employé qui enfouissait des achats dans d’élégants sacs de musée. Lumière et son, tonalité sans paroles, la suggestion d’une vie au-delà du film, l’étrange réalité criante qui respire et mange là-bas, cette chose qui n’est pas du cinéma ».
Point Oméga.

« La question, c’est le temps, un temps imbécile, un temps inférieur. Quand on déblaie toutes les surfaces, quand on regarde ce qui reste, c’est la terreur. C’est la chose que la littérature était censée guérir. Le poème épique, l’histoire qu’on lit avant de dormir ».
Point Oméga.

« Il y a des années, je croyais qu’un romancier pouvait modifier la vie intérieure de la culture. Maintenant les fabricants de bombes et les tueurs se sont emparés de ce territoire. Ils mènent des raids sur la conscience humaine. Ce que faisaient les écrivains avant d’être tous annexés ».
Mao II.

« Nous sommes tous jeunes et intelligents et nous avons été élevés par les loups. Mais le phénomène de la réputation est une affaire délicate. L’ascension sur un mot et la chute sur une syllabe ».
Cosmopolis.

« Ma société s’occupait de déchet. Nous faisions du traitement de déchets, du commerce de déchets, de la cosmologie de déchets. J’allais dans les terres basses de la côté texane et je regardais des hommes en combinaison lunaire enterrer des barils de déchets dangereux dans des strates souterraines de sel vieilles de millions et de millions d’années, résidus desséchés d’un océan mésozoïque. C’était une conviction religieuse dans notre profession que ces dépôts de roche saline ne laisseraient pas fuir de radiations. Le déchet est une chose religieuse. Nous ensevelissons des déchets contaminés avec un sentiment de révérence et d’effroi. Il est nécessaire de respecter ce que nous jetons ».
Outremonde

« Il y a quelque chose dans la nature de ce film, le grain de l’image, les tons noirs et blancs crachotants, la rigidité – on a l’impression que c’est plus vrai que nature, plus réel que tout ce qui vous entoure. Les choses autour de vous ont un air mis au point, stratifié, retouché. Le film est surréel, ou peut-être est-ce sous-réel qu’on voudrait plutôt dire. C’est ce qui gît tout au fond, par-dessous toutes les strates qu’on a accumulées. Et c’est une autre raison pour laquelle on continue à regarder. Le film est d’une réalité brûlante ».
Outremonde.

Crédit photo : Thousand Robots

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