Si une fois encore les Tombées de la Nuit pourront être nommées, par quelques malveillants, les Tombées de la Pluie, ce ne sera certainement pas à cause de Monsieur A. Très attendu en terre bretonne, Dominique A a offert le lundi 2 juillet au public rennais une réserve d’énergie susceptible d’éclairer et de réchauffer bien des nuits armoricaines. Une standing ovation générale des plus méritées.
Si la création est ce champ où se révèle la lumière de la personne, Dominique A a véritablement donné la preuve de sa capacité créatrice dans la salle du Triangle. De la revisitation intégrale de son premier album, La Fossette à celle du dernier en date, Vers les Lueurs, avec deux formations et deux orientations très différentes, il a littéralement chaviré une salle comble et rapidement comblée.


Il faut tout de même une audace artistique notable pour oser ainsi reprendre à bras le corps un « travail de jeunesse ». Mais, précisément, le corps de Dominique A est aussi de la partie. Cette singulière gestuelle qu’il a finalement acceptée, cette sorte de gaucherie dégingandée qui devient force et beauté, elle construit la musique et prend la lumière. La lumière… Une nostalgie de la lumière enfuie, enfouie dans les cendres du passé et du monde. Une tristesse surannée qui infuse. Finalement, les mots, la musique, les sons pris et repris à l’athanor de la personnalité sont transmutés en une énergie terrassante mais stimulante. Cette nostalgie qui devient carburant d’une vie qui toujours exulte sous le banal douloureux. Si présente dans les chansons du dernier album, Dominique la sert sur scène. Il se créé et se décrée, il explose les limites et fait résonner ce syntagme si déprécié de « chanson française » dans les sphères cosmiques d’une poésie du rien dérisoire. Des petits riens des relations trop quotidiennes et moroses et des fracas universels.

Toujours l’alliance demeure. Et elle s’empare d’un public de plus en plus conquis, oui c’est bien le terme. De plus en plus singulièrement heureux d’être surpris par cette chaleur harmonieuse, dans cette vague déferlante de sentiments mêlés, de bonheurs fugaces épinglés par une ironie aussi coupante que le son des guitares, de joies éphémères trop tôt enfuies ou trop mal enfouies, mais qui toutes sont portées vers nous avec une force sincère. Sous les lumières qui le découpe, c’est tellement lui que ça peut devenir nous.

Les Tombées de la Nuit ? Et bien avec cette soirée, elles s’ouvrent sur un abîme de lumières foudroyantes et bourdonnantes. Sur un vertige expressionniste dans lequel Dominique A prouve avec un audacieux talent que la langue française peut encore tressaillir avec une beauté pleine de force fébrile et électrique…
Thierry Jolif & Nicolas Roberti
