Coil1Coil est un groupe de musique industrielle et de musique expérimentale qui a pratiqué différentes formes de musique (électronique et autre) comme la musique industrielle, bruitiste, l’ambient et la dark ambient, la néofolk, ou encore le minimalisme. Le groupe a été formé par John Balance (se faisant aussi appeler Jhonn Balance) et Peter Christopherson (Sleazy), après avoir tous deux quitté le groupe industriel Psychic TV. John Balance est décédé le 13 novembre 2004 à 42 ans, mettant fin à la carrière du groupe Coil. Avant les dix ans de sa disparition nous avons souhaité rendre disponible cet entretien réalisé en 1994 et publié initialement en 1995… 

Unidivers : Votre musique semble très inspirée par le sexe, la drogue et la magie…

Gefftwbeech-BWJohn Balance – Oui, la vie est notre inspiration, sous tous ces aspects lumineux et sombres, ascendants et descendants, plus sombre encore et plus profond, plus en avant et plus vite, « new age dark » ambiant. Bref, comme notre ami bouddhiste Jean Giono, nous croyons en l’utilité de la démonstration de tous les aspects de la vie. Aucun tabou, seule la compassion, pour le contexte des actions et de l’art, est une arme que nous adoptons sur le chemin de notre vie. Les drogues, car il n’y a aucun état non-modifié, aucune ligne de fuite, aucune réelle santé mentale. La réalité est fragmentée, holographique. La magie est la façon dont intervient/travaille le monde invisible. La sorcellerie dirige cette planète. Il n’est pas question ici de superstition, c’est un monde d’esprits qui s’entrelace avec le nôtre qui s’éveille. L’esprit, les pensées créent de multiples réalités, avec des degrés variables de véritable fondement. Le sexe = la mort = un cycle d’énergie, de transformations. La mort est vélocité. La vie est un rêve très lent comparé à la réalité de l’alternative que nos esprits traversent lors de la décomposition de notre forme physique.

 La mort semble prendre une part prédominante dans votre musique. Que pensez-vous de cette citation extraite du  Hagakure Treaty  : « si vous mourriez par la pensée chaque matin, vous ne seriez alors plus effrayés de mourir ?

Mourir, chaque jour. C’est la seule façon de réduire les incidents de la peur qui interfèrent avec la vie terrestre, dans cet endroit.

De votre musique ressortent des sensations très sensuelles/charnelles grâce aux instruments électroniques. C’est paradoxal.

L’électricité est Énergie. L’énergie est Eternelle. « Energy is eternal delight » (William Blake ; “l’énergie est l’enchantement éternel”). Les vibrations ainsi que les séquences créent des formes, et les émotions guident ces formes. La sensualité est ravissante. Fear (la peur) = F. E. A. R. : False Evidence Appearing Real (Fausse Évidence qui Apparaît comme Réelle). Rendez-vous dans la lumière.

La pochette de Love’s Secret Domain représente à merveille votre musique. Pourquoi avoir choisi S. Stapleton pour la réaliser ?

COILSteven Stapleton a fait la couverture de  L. S. D.  car c’est notre ami et que nous aimons donner à nos amis l’occasion de nous aider. Il adorait le disque, nous adorions sa peinture. Elle a été peinte alors qu’il était endormi sur une obscure montagne, peinte sur une porte de toilettes trouvée sur une humide prairie irlandaise. Plus on la regarde avec profondeur, plus on s’en rapproche, plus l’image apparaît détaillée. À une certaine distance, j’y ai vu la figure d’un lion, avec une nef… Steve ne cherchait pas à peindre un tel animal.

M. Almond chante sur Titan Arch. Bien que vos musiques soient différentes, il semble que vous avez en commun le sexe, la drogue et la magie.

Oui, Marc Almond est un ami très proche depuis douze ans. Nous avons partagé de nombreux épisodes décadents – beaucoup, beaucoup, peut-être écrirons-nous à propos de certains d’entre eux. J’ai écrit les paroles de Titan Arch, et alors j’ai pensé qu’elle conviendrait mieux à Marc qu’à moi. J’aime beaucoup cette chanson. Il en existe une version avec 100% de “feedback” – un son très lourd. Je voulais une atmosphère de type Lovecraftienne. Quelques phrases sont d’ailleurs empruntées et changées à H.P. Lovecraft, mais les meilleures sont les miennes ; “under shivering stars” (sous les étoiles tremblantes). Je suis fier de cette chanson.

Avec du recul, que pensez-vous de vos disques précédents ?

Nous n’aimons guère regarder en arrière et les étudier. Certains sonnent comme si ce n’étaient pas nous qui les avions composés. J’apprécie cette impression : oublier son passé. Pourquoi devrions-nous nous rappeler de chacun de ces enregistrements… nous avons beaucoup trop de choses futures auxquelles accorder notre attention. Trop de projets et d’idées. Certains sons détestent les choses, mais pas autant qu’on pourrait le croire.

Recherchez-vous toujours à accumuler l’énergie sexuelle masculine à travers votre musique ?

Non, nous avons de nouvelles intentions pour chaque disque. Par exemple nous projetons de faire un album basé sur la lune – la femme – les océans… Mars est masculin, c’est pourquoi c’était à propos d’énergie mâle. Les “bullroarers”, instruments que nous avons inclus dans le son (à propos de  How to Destroy Angels, ndrl) sont toujours utilisés dans les rituels dans les rituels masculins de par le monde (en Amérique du Sud, en Nouvelle-Guinée, en Australie). Le son est une vibration masculine, non pas féminine. Il serait même dangereux pour des femmes de jouer avec les “bullroarers”, ce ne sont pas là de superficielles idées sexistes, mais de profondes vérités.

Croyez-vous que la pratique de la magie sexuelle puisse amener une certaine harmonie dans nos vies ?

Je ne comprends pas très bien la question. Tout expliquer à ce propos dans un magazine n’y aurait pas sa place ; la complexité est toujours si proche.

Coil Chaos Star 1

Pourriez-vous nous en dire plus sur le Soleil Noir ?

Le Soleil Noir. Notre symbole. Une étoile du Kaos. Un bijou sado-surréaliste. Soleil Noir (en français dans le texte, ndrl). Un anti-soleil. Kéther. L’emblème du monde souterrain. Une obscurité rêveuse qui mène au district de la Lumière Noire. C’est un ancien symbole d’Odhin. Le corbeau. Harry et Carresse Crosby vivaient grâce à ce symbole – “dans l’ombre du soleil” – et avaient une maison d’édition appelée Black Sun Press, une décadente et merveilleusement présentée série d’éditions. Nous allons finalement publier un recueil consacré à la symbolique du Soleil Noir. Nous fonderons éventuellement un anti-culte, un culte du Soleil Noir. Chaque membre deviendrait un point du soleil, un angle de l’espace conceptuel qui serait créé grâce à la contribution de chaque membre. Nous sortirons des plaques indiquant qu’ils représentent un coin de l’anti-temple du Soleil Noir. Une idée sans fin, ouverte et sans aucune limitation d’aucune sorte, aucun point de repère, aucun dogme – superbe !! et stupide !!

Coil Chaos Star 2

Pourquoi avoir décidé de faire Stolen & Contaminated Songs avec des remixes ou des versions inédites ?

Nous avons sans cesse des bonus tracks non terminés que le temps et l’argent ne nous laisseront pas mettre sur de véritables disques. Ils sont souvent plus purs en un sens, même si le son est plus rêche. J’aime les versions alternatives et cela arrête par là même les bootlegs/pirates.

A. Crowley dit que pour atteindre l’illumination, mieux vaut utiliser le sexe, la danse et les drogues. Êtes-vous de cet avis ?

Aleister Crowley… a dit bon nombre de choses. Je ne pense pas que le sexe soit très bon – de nos jours avec le SIDA et d’autres maladies bien plus étranges sur l’âme – le soleil et la mer sont aussi importants. Depuis peu je suis célibataire, le sexe m’effraie. Je cherche une consolation dans les images de sexe – à savoir la pornographie. Savoir jusqu’à quel point je peux m’en détacher m’intrigue. Néanmoins, mes orgasmes sont toujours utilisés de façon magique. Je ne gaspille jamais un intense éclat de sperme. Je monte les étoiles en COIL_S&CSgraines ; faisant pousser mes bois magiques comme un cerf, comme un renne. Des énergies débusquées à travers le monde astral. La danse, oui. Depuis 1987 (apparition de l’acid house », ndlr) la danse est devenue une méthode d’atteinte de nouveaux royaumes. Avant 1987, je ne dansais jamais. Je ne savais pas comment me libérer. J’étais trop méfiant pour me mêler à de tels évènements. Désormais, je les considère comme vitales à notre survie ainsi qu’à la re-paganisation. Des païens régénérés.

Était-ce un choix que de faire de la “dance music” sur L.S.D. ?

Depuis 1988, nous enregistrons en secret des morceaux de “dance”, inédits, sous le nom de Black Light District. Drew McDowall a bossé avec nous en 1988 sur des titres de “acid house”. Nous avons pensé qu’il était trop tard pour retranscrire l’excitation que nous ressentions dans les boites à ce moment-là. Mieux valaient les expérimentations plaisantes que copier cette musique. Sur L.S.D. nous avons seulement utilisé des sons de type “dance” : boîtes à rythmes, etc., etc. En quoi serait-ce surprenant de notre part ? Anal Staircase a suivi le même procédé il y a longtemps de cela. Des rythmes violents.

Que pensez-vous de la techno ? Il semblerait qu’elle vous a inspirés ?

Techno. Les vieux trucs peut-être, les titres d’acid les plus précoces. Dès le début, je me trouvais là à écouter ces musiques, en m’impliquant dans la scène anglaise, avec des clubs comme Trip, Love, Confusion, Strawberry, Sweatshop, etc. J’aime la musique qui libère des sentiments profonds – d’anciennes énergies. Maintenant il y a quelques trucs d’ambient  que j’apprécie, tout comme des groupes électroniques allemands (plus vieux), Peter Namluoks fax label.esp, Orange le CD d’Atom Heart (distillerie de monochrome). Nous adorons ce CD, ainsi que Autechre, Black Dog

Certaines chansons de L.S.D. me font penser à de la techno ré-inventée par Coil ?

Nous prenons systématiquement ce qui nous entoure et nous le faisons notre. Nous pervertissons les sons. Absolument tous. C’est pourquoi Trent Reznor de Nine Inch Nails nous a donné quatre mixs de ses chansons à remixer. Il aime nos perversions soniques. Nous entortillons et infectons les choses avec nos idées et notre maladie dorée.

Vous n’apparaissez pas souvent sur scène, pourquoi ?

Il n’y a aucune raison pour que nous en fassions. Nous ne jouons pas bien et ne sommes pas entraînés pour ce genre de situation. Nos sons sont créés d’une façon longue, et très complexe. On ne peut reproduire ce que nous avons déjà fait. Peut-être que l’un de nos autres groupes jouera « live », de la façon la plus simple.

Coil2

Quels sont vos projets ?

Nous avons deux albums de Coil à moitié finis. L’un d’eux est électronique et s’appelle International dark skies – un sombre et profond thème de monde rêveur. L’autre, Backwards, ressemble bien plus aux vieux Coil, plus agressif, avec beaucoup de textes et de voix, de colère, de haine, de sang et de perversion sexuelles. Nous avons encore beaucoup d’angles à dévoiler à nos fans. Nous avons aussi Wormsine, un groupe « acid », rapide et agressif mais intelligent. Black Light District, un groupe parallèle sombre et riche, avec un disque qui devrait sortir incessamment sous peu. Nous venons de monter un autre label : Eskaton, pour les futurs sons électroniques. Le premier disque arrive bientôt. Eskaton 001 Coil VS the Eskaton, Nasa-arab et First dark ride. Nasa-arab est une nouvelle version, remodelée et embellie. Nous avons un système sonore très spécial. Ce son tridimensionnel est appelé le Son Sidéral. Il ajoute un élément astral au son. Il laisse l’esprit pénétrer la structure de la musique. C’est réel. Ce n’est pas une blague.

Article précédentEdito de rentrée, Bonjour médiocrité !
Article suivantIdle no more ou le réveil des femmes autochtones au Canada
Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici