La semaine musicale « En plein chant » se déroule aux Champs Libres du 2 au 5 juin 2015 en écho à l’exposition « La voix, l’expo qui vous parle » visible jusqu’au 3 janvier 2016. Dans cecadre, Alain Surrans, directeur de l’Opéra de Rennes, a consacré une conférence aux techniques de l’art vocal à travers le monde le mardi 2 juin. Résumé d’une soirée qui a donné le la à cette semaine musicale !

 

 Alain SurransLa voix comme organe, mais, surtout, comme art. C’est cet aspect de la voix qu’Alain Surrans a voulu mettre en exergue face à une salle remplie, curieuse d’en savoir plus sur cette voix dont on ne parle jamais. À ses côtés, Gwénola Maheux, mezzo soprano et accordéoniste, Johanni Curtet, ethnomusicologue, et Eugénie Dalibard, clarinettiste. Ensemble, ils reviendront en musique sur les techniques et pratiques vocales des cinq continents. Des chants des aborigènes du Queensland en Australie aux pièces traditionnelles de l’opéra de Pékin, l’histoire des techniques vocales a été largement revisitée.

La voix ?

Un réservoir de consonnes et de voyelles qui s’assemblent dans le langage. Un système de résonateur depuis le cou jusqu’au sommet du crâne qui permet tant de travailler le volume que l’intensité du son.

Chez les êtres humains, tout commence avec un cri. Ce cri qu’on fait pousser au nouveau-né pour s’assurer qu’il est en vie, « la voix, c’est la vie. »

La voix constitue donc un moyen de communication qui permet l’intégration au monde. Découvrir sa voix en écoutant ce qui nous entoure, c’est la magie de l’instrument. À travers cet organe, il y a avant toute chose une découverte de soi-même. Pour s’intégrer au monde qui l’entoure, l’Homme doit développer ses capacités en ajoutant sa voix à celle de la nature pour ne faire qu’un.

 expo voix champs libresLe monde des civilisations musicales présente plusieurs berceaux importants. Plusieurs techniques vocales accompagnent des traditions musicales qui offre à celui qui chante de se faire entendre de loin et de tous. Dans les civilisations les plus anciennes, la voix participe avec les instruments de musique à une sorte d’apprivoisement des bruits de la nature. Cris de l’eau, chants d’oiseaux ou, encore, vent. Une porte d’entrée vers la métaphysique. Chez les aborigènes du Queensland en Australie, les femmes ont conservé de nos jours la tradition des chants qui s’emploie à évoquer des mythes populaires. La voix sert ainsi à conquérir le sens de la vie et… de la mort. En ce sens, elle est un objet et un moyen de recherche en sus d’un moyen de communication.

Parler d’une seule voix

En s’appuyant sur l’exemple des Pygmées de Centrafrique, Alain Surrans rappelle combien la voix participe à la vie des groupes humains sur toutes les formes. Toute la vie sociale de cette communauté est imprégnée de chants allant jusqu’à se doter de techniques vocales hors-normes : maitrise de l’imitation de chants d’animaux ou du mouvement de gorge permettant de passer de la voix de gorge à la voix de tête. Dans l’exercice collectif se relève la richesse de la musique du peuple de la forêt. Pour chaque situation de la vie, il y a des chants adaptés. La chasse est consacrée par des mélodies qui se déclinent en formules différentes selon qu’on parte chasser, qu’on soit en train de chasser ou qu’on en revienne. Ces chants sont parfois accompagnés de danse au retour des chasseurs. Alain Surans illustre son propos par la projection d’un extrait d’une danse célébrant la capture d’un éléphant. « C’est le degré de perfection entre le groupe et l’individu, chacun joue sa partition, mais dans un cadre collectif très fort et qui n’est pas restreint. » La tradition est forte et vivante, au point que même les plus jeunes y participent. Un groupe de quarante personnes chante. Rien n’est écrit, mais chaque chanteur sait comment s’y prendre pour libérer sa musique personnelle, sans détruire l’équilibre global. C’est une représentation concrète de la cohésion et de la confiance que peuvent faire naître les techniques vocales.

À Bali, l’art et la vie sont définis par le développement d’une pratique artistique dans la communauté ; et il est impératif que cette pratique s’inscrive dans le collectif. Les manifestations dégageant une très grande force, le chant peut parfois conduire à des transes collectives spectaculaires, voire à des formes d’automutilations qui caractérisent la violence que chaque être peut contenir en lui. Dans le même temps, coexistent à Bali des formes de danses plus joyeuses comme le kecak qui s’apparente à un théâtre illustré. Chanté par un personnage, il est souvent accompagné d’une flûte. Tous les hommes du village sont assis autour du feu, et le narrateur ponctue le récit par des percussions vocales collectives spectaculaires. Cette pratique élaborée participe de la même manière, à l’identification collective.

La voix, un nouveau terrain de jeu

Johanni Curtet
Johanni Curtet, ethnomusicologue, propose une démonstration de chant diphonique mongol

Les jeux vocaux permettent de s’approprier le monde. Lorsque l’on chante, il n’y a pas de recherche de mélodie, mais une prise de possession de toutes les possibilités, notamment de tous les jeux qui peuvent être possibles avec la voix. Ce qu’on peut explorer aussi dans la voix, ce sont les couleurs. La voix est pour l’essentiel une vibration, l’intensité et la fréquence de la vibration, se démultiplie avec ces résonneurs de la tête, créant des harmoniques. Ces harmoniques sont cultivées partout avec un grand esprit de curiosité. Le chant diphonique par exemple permet à son interprète d’émettre deux sons à la fois. Johanni Curtet, fasciné par la culture mongole et adepte du champ diaphonique illustre cette partie avec un champ diphonique mongol. « Pour les Mongols, le monde est étagé, ils ont en tête quelque chose de vertical. Le diphonique nous dit qu’on entend qu’un seul son, mais dans la perspective mongole on en entend beaucoup plus…»

Mais il y a des moments, chanter est réservé à des artistes qui s’y consacrent pleinement à travers un long apprentissage ou des exercices quotidiens exigeants. Pour celui qui cherche sans cesse à se surpasser, le chant devient alors un sport. Toujours plus haut, toujours plus vite et toujours plus fort. Dans l’opéra chinois, en plus d’être un comédien, le chanteur se doit d’être un danseur acrobate à l’aise dans toute sorte de discipline physique. Les troupes d’opéra chinoises sont des troupes de professionnels aguerris tout en demeurant des artistes porteurs de traditions. Leur technique vocale est très sportive.

Sans forcément atteindre ce stade, la pratique vocale est bénéfique à chacun : « Pour l’équilibre et pour une forme de conscience de l’écoute, d’appréhension du monde ; il faut travailler sa voix, continuer à chanter pour le plaisir. On a tous quelque chose à faire avec notre voix. »

Pour en savoir davantage ou même jouer avec votre voix de manière ludique, l’exposition rennaise La voix, l’expo qui vous parle est visible jusqu’au 3 janvier 2016 à l’Espace des sciences. Infos pratiques et programmation.

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Anastasia Laguerra
Anastasia Laguerra est étudiante en journalisme à Lille et stagiaire conventionnée à Unidivers.

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