Le mouvement Germinal a invité le sociologue et économiste Bernard Friot ainsi que le youtubeur Usul mercredi 27 avril à l’Institut d’Études Politiques de Rennes. Le sujet ? Le travail et la gauche de demain. La raison ? L’occupation de l’IEP pour la nuit.


L’amphithéâtre était plein à craquer, l’ambiance électrique. Nous sommes à la veille de la manifestation du jeudi 28 avril contre le projet de loi El Khomri. Dans la salle, certains préparent au posca leur affiche. Difficile de savoir qui est le plus attendu de Bernard Friot ou Usul. Le porte-parole du mouvement Germinal le reconnaît, le deuxième a permis de faire connaître le premier grâce à sa série sur YouTube. « Mes chers contemporains » met en lumière une personnalité politique, médiatique ou intellectuelle de notre époque sur un format de 30 minutes environ. Après BHL, Étienne Chouard, Frédéric Lordon, Élisabeth Lévy, Usul avait choisi de consacrer son épisode à Bernard Friot et au concept de salaire à vie. Le youtubeur a réussi le pari d’allier une infographie claire, un humour hérité de sa chronique « 3615 Usul » et une connaissance large des enjeux contemporains. Lors de la conférence, Usul représentait également le mouvement « On vaut mieux que ça », un « collectif de citoyens et citoyennes créatifs, initié dans le but de libérer la parole sur des problèmes de société, tel que le travail ».
Avant de laisser la place au débat, Bernard Friot a pris la parole sur la thématique du travail. Ce penseur est ce qu’on appelle un économiste hétérodoxe, c’est-à-dire qu’il pense une alternative au néo-libéralisme actuel. Ce militant du PCF réactive des concepts marxistes tels que l’aliénation ou l’idéologie. Il a commencé sa présentation par une distinction du travail. D’un côté, on trouve la valeur d’usage, d’un autre la valeur économique. La production domestique, par exemple, doit-elle être considérée comme du travail ?

Selon Bernard Friot, la bataille pour l’emploi relève de l’idéologie : face à la précarisation et aux remplacements des travailleurs par des dispositifs mécaniques ou technologiques – pensons notamment à Uber ou à l’impression 3D – il estime que ce combat est d’ores et déjà perdu. Le continuer viserait à créer plus de profits pour les entreprises et l’État. Il propose donc le salaire à vie, qu’il a étudié notamment en travaillant sur les retraites. Le Réseau Salariat propose, dans les grandes lignes, de revoir la répartition du Produit Intérieur Brut. La part du profit dans le PIB, en France, a considérablement augmenté, au détriment des salaires et de la cotisation sociale. L’idée serait d’élargir à toute la population la cotisation sociale, laquelle permet, à ce jour, de reconnaître le travail des parents, des chômeurs, des soignants ou des retraités.
On comprend, à ce stade, que Bernard Friot puisse parler à Rennes 2 d’une sortie du capitalisme, puisque le salaire à vie vise une abolition de la propriété lucrative. Le Réseau Salariat souhaiterait créer une caisse de cotisations sociales (à l’image de celles déjà existantes) qui verserait les salaires. En finançant par exemple des hôpitaux publics, ce système assumerait donc aussi un rôle d’investissement. L’actualité nous le rappelle chaque jour, le travail est au centre des préoccupations. Des perspectives comme le salaire à vie, mais aussi le revenu de base, demandent à être écoutées…
Voir aussi les articles d’Unidivers consacrés à ce sujet d’avenir : Forum Changer l’économie, Expérimenter le revenu de base, Entretien avec Paul Jorion ainsi que les sites : On vaut mieux que ça, Réseau Salariat, Mouvement Germinal
